Le XVIe siècle est particulièrement marqué par l’opposition sanglante entre catholiques et protestants dans tout le royaume de France.
Connaître ces événements permet de comprendre l’approche « relativiste » de Montaigne qui le porte à décentrer son point de vue sur les événements.

Depuis l’invention de l’écriture à caractères mobiles par Gutenberg au milieu du XVe siècle, les thèses réformistes de Luther (1483-1546) et Calvin (1509-1564) se sont répandues dans la population. Les réformistes s’opposent, au XVIe siècle aux catholiques. Les points d’opposition entre ces deux factions sont en particulier les suivants :
- Le rejet du culte des saints et des indulgences. Les catholiques s’en remettent volontiers aux saints plus qu’à Dieu lui-même ; de même les évêques de l’Église et le Pape offraient aux fidèles, moyennant pèlerinage ou finance, une rémission des totale ou partielle des péchés, alors que les protestants pensent que seul Dieu peut racheter les péchés des Hommes.
- Le rejet du principe d’autorité. Les protestants pensent que chaque individu a un rôle à jouer dans la communauté et que le prêtre (ou l’évêque, ou le Pape) n’est pas le seul dépositaire des fonctions pastorales. Les individus sont en relation « directe » avec Dieu et n’ont pas besoin d’intercesseurs. Dès lors c’est toute la hiérarchie telle qu’elle existe au XVIe siècle qui est remise en question puisque le roi de France tient son pouvoir de Dieu (il est sacré à Reims, ce qui signifie qu’il se place sous l’autorité du Pape – cela n’empêche pour autant pas les conflits puisque les États pontificaux sont aussi des forces armées qui souhaitent acquérir/préserver leurs territoires et que la fonction papale est éminemment politique).
Les conséquences de l’expansion des thèses protestantes se font ressentir dans tout le royaume de France (et ailleurs en Europe aussi, Allemagne, Suisse, Angleterre). En 1534, on trouve placardé sur la porte de la chambre du roi François Ier des affiches de propagande pour les idées réformées (c’est « l’affaire des Placards »). Le roi voit dans cet événement une atteinte à son autorité politique et les premières persécutions de protestants commencent. Lors de l’accession au trône de France de François II, en 1559, il est roi de plein exercice mais n’a que 15 ans et sa mère, Catherine de Médicis le conseille et ses oncles par alliance (il a été marié à Marie Stuart, de la famille des Guise, en 1558), ultra-catholiques à la tête de la Ligue, ont une grande influence sur la politique religieuse répressive qui se met en œuvre (perquisitions, arrestations, confiscations de biens notamment). Nonobstant une tentative de conjuration (en mars 1560), cette politique se poursuit jusqu’au décès du roi (en décembre 1560).
Son frère, Charles IX accède au trône alors qu’il n’a que neuf ans et sa mère, Catherine de Médicis, devient régente et nomme Michel de L’Hospital chancelier. Il est modéré et les Guise quittent la cour. Ce dernier tente de concilier les deux parties en suspendant les persécutions dont étaient victimes les protestants et en organisant un colloque à Poissy (septembre-octobre 1561) entre protestants et catholiques qui aboutit à l’édit de tolérance en janvier 1562 autorisant le culte réformé dans certains lieux, en dehors des villes. Les catholiques fanatiques, sous la direction des Guise, massacrent en mars 1562, les protestants du village de Wassy réunis, pour leur culte, dans une grange, et réponse, le prince de Condé, un des chefs protestants, s’empare d’Orléans. C’est le début de la première guerre de religion, sept autres suivront jusqu’à l’accession au trône d’Henri IV en 1589. Lors de chaque affrontement, lorsque les catholiques l’emportent, le traité signé réduit les libertés des protestants, lorsque les protestants emportent le conflit suivant un nouveau traité vient les rétablir. En 1572, la reine Catherine de Médicis, mère de Charles IX, décide de marier sa fille, Marguerite de Valois (la future « reine Margot »), au chef de l’armée réformée, Henri de Navarre (le futur Henri IV). Le jour du Mariage, à Paris, tous les chefs réformés sont présents pour assister à la noce, Catherine de Médicis, avec l’accord du roi, donne la consigne aux catholiques de massacrer tous les protestants de Paris et de province espérant ainsi anéantir les forces réformées, c’est le massacre de la Saint-Barthélémy. Henri de Navarre échappe de justesse à la mort, il y a eu au moins vingt mille victimes.
En 1574, Charles IX meurt et son frère, Henri III est appelé à régner à sa suite. Il poursuit la politique catholique répressive instiguée par ses frères.
En 1584, le dernier frère du roi, le Duc d’Alençon meurt et n’ayant pas d’enfants, Henri de Navarre devient seul héritier possible du trône de France (en vertu de la loi salique qui désigne comme successeur d’un roi sans enfant le mâle le plus directement proche de lui dans la descendance de ses ancêtres). Pour lui faire barrage, les catholiques ultra créent la Ligue, une armée de fanatiques dirigée par les Guise.
En mai 1588, Paris se révolte, poussée par Henri de Guise qui trouve Henri III trop modéré dans la lutte contre Henri de Navarre (c’est la « guerre des trois Henri »). En décembre de la même année, Henri III fait assassiner Henri de Guise et son frère Louis. Les membres de la Ligue tournent alors leur vindicte contre le roi. Henri III s’allie à Henri de Navarre pour contrer les Ligueurs, mais en avril 1589, Henri III se fait assassiner par le moine fanatique Jacques Clément. Henri de Navarre accède au trône sous le nom d’Henri IV, il parvient en quelques années à pacifier le royaume et offre aux protestants le droit de célébrer leur culte sur le territoire (édit de Nantes, 1598).
C’est dans cet environnement que Montaigne évolue. Il est catholique modéré, de même que sa femme, mais une de ses sœurs et un de ses frères sont protestants, il vit dans une région majoritairement protestante et il fait partie des familiers d’Henri de Navarre et fréquente occasionnellement la cour des rois Charles IX et Henri III.
Pour compléter et/ou éclairer ceci, je vous recommande de visionner le documentaire suivant (intéressant pour nous jusqu’à 13 minutes) :
Sources :
- G. Décote, Itinéraires Littéraires – Moyen Âge, XVIe siècle, Paris, 1988
- J. Garrisson, Royauté, Renaissance et Réforme (1483-1559) et Guerre Civile et compromis (1559-1598), Paris, 1991
- Th. Charmanson, A.-M. Lelorrain, M. Sonnet, Chronologie de l’Histoire de France, Paris, 1994
- B. Boudou, Montaigne – Essais (I, 31 – III, 6), Coll. Profil d’une œuvre, Paris, 1994
2 réponses sur “Le siècle de Montaigne – Brève histoire des conflits religieux du XVIe siècle.”
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