Madame La Fayette dans son époque

Quelques éléments biographiques au sujet de Madame DE LAFAYETTE (1634-1693)

L’ÉRUDITE

Née à Paris en 1634, Marie-Madeleine PIOCHE DE LA VERGNE, la future Madame DE LA FAYETTE, fait partie de ces femmes nobles attirées par la culture et l’écriture. Comme Madeleine DE SCUDERY ou Madame DE SEVIGNE, elle bénéficie, durant sa jeunesse, d’une solide instruction et subit l’influence d’un maître de renom, MENAGE, alors grammairien célèbre. Elle aussi brille par son érudition. Ce n’est pas cependant une pédante, une femme savante. A la manière de Madame DE SEVIGNE, c’est plutôt une femme d’esprit qui évite de faire un étalage trop voyant de ses connaissances.

LA MONDAINE

En 1655, elle épouse le comte DE LA FAYETTE : elle a vingt et un ans, il en a trente-neuf. La plupart du temps, le comte séjourne en Auvergne pour s’occuper des procès à répétition où il est engagé depuis des années. Tout d’abord, sa femme l’accompagne, puis, lassée de cette existence provinciale, à partir de 1661, elle réside seule à Paris. Elle y mène une vie mondaine, assiste aux réunions du célèbre salon de l’hôtel de Rambouillet (voir infra), est une intime de Madame DE SÉVIGNÉ et surtout de LA ROCHEFOUCAULD.

Madame de La Fayette a bientôt son propre salon qu’elle ouvre, chaque samedi, dans sa maison de la rue de Vaugirard. Parallèlement, elle fréquente la cour et devient, en particulier, l’amie d’Henriette d’Angleterre morte prématurément, dont BOSSUET prononce l’oraison funèbre.

L’ÉCRIVAINE

Son activité d’écrivaine prend place, pour l’essentiel, durant cette période mondaine. Son œuvre est profondément marquée par l’histoire. Ce sont d’abord des ouvrages historiques, l’Histoire d’Henriette d’Angleterre, qui n’est publiée qu’en 1720, et les Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689, qui ne paraissent qu’en 1731. Ce sont surtout des romans : La Princesse de Montpensier (1662), qui se déroule sous le règne de Charles IX, durant la seconde partie du XVIe siècle ; Zaïde (1670-1671), qui a pour cadre l’Espagne médiévale ; La Princesse de Clèves (1678), son chef-d’œuvre, qui se situe sous Henri II, dans la première moitié du XVIe siècle ; La Comtesse de Tende enfin, paru seulement en 1724, qui évoque la régence de Catherine de Médicis, au début de la seconde partie du XVIe siècle.

LA CONTEMPLATIVE

La mort de La Rochefoucauld en 1680, puis celle de son mari en 1683, la conduisent à abandonner son existence mondaine, à se réfugier dans la solitude. Elle se consacre alors à la carrière de ses deux fils et mène jusqu’à sa mort, une vie pieuse tournée vers la méditation.


Pour aller plus loin

Je vous recommande de lire les informations qui se trouvent sur la page suivante, et d’écouter ce documentaire consacré à Madame de Lafayette :


Histoire littéraire – le XVIIe siècle

La Préciosité

Au mot « préciosité » s’attache, de nos jours, une signification péjorative. Il évoque l’affectation dans les manières, la subtilité excessive, le manque de naturel. Ce regard défavorable porté sur eux, les précieux le doivent à l’exagération qui, peu à peu, a marqué leur comportement : c’est elle qui a prêté à rire et a fait notamment de la préciosité la cible de MOLIÈRE (voir Les Précieuses ridicules).

Mais, à son apparition, la préciosité ne revêt pas cet aspect négatif. Elle constitue un idéal de raffinement auquel aspirent les femmes et les hommes à la mode, elle triomphe dans les salons mondains de Paris (voir infra). Être précieuse/précieux, c’est savoir parler d’amour, c’est connaître toute la subtilité des sentiments, c’est apprécier la beauté, mais aussi l’esprit de la personne aimée. Être précieuse/précieux, c’est pratiquer un langage choisi, capable de rendre compte de la gamme infinie des impressions ressenties.

LE GRAND JEU DE LAMOUR

L’amour est le thème essentiel de la préciosité. Il est au centre de la poésie de SAINT-AMANT, de Tristan L’HERMITE ou de Vincent VOITURE, au centre des interminables romans de Madeleine de SCUDÉRY. Il est également la grande préoccupation de la vie quotidienne des précieux, êtres oisifs, habitués de la cour et des salons, qui essaient ainsi de tromper leur oisiveté.

L’amour précieux est un amour éthéré, spirituel. Le corps en est résolument exclu. C’est une communion des esprits qui rejette l’exaltation des sens. Comme dans les romans de chevalerie du Moyen Âge, la femme y joue un rôle privilégié (les femmes sont au centre des romans de Madame DE LAFAYETTE). Elle est l’être parfait, idéalisé, dont la beauté témoigne de la perfection morale (voir par exemple la description de Mademoiselle DE CHARTRES au début de La Princesse de Clèves). Mais, comme la femme représente un absolu, elle est inaccessible et, malgré elle, cruelle (Les sentiments de Madame DE CLÈVES provoquent la mort de son mari et de son amant). La poésie précieuse ne cesse de développer ces deux thèmes conjoints de la perfection et de l’inaccessibilité.

Une telle situation pourrait être dramatique. Mais le précieux n’a guère le sens du tragique. Il se fait une raison de ce refus. Il utilise le badinage, la légère démystifier les douleurs de la passion. Et surtout il fait de l’amour un grand jeu de société (les histoires amoureuses dans La Princesse de Clèves sont au cœur de l’ensemble des intrigues). La conquête amoureuse suppose toute une stratégie. Elle a également géographie que reproduit la Carte de Tendre de la Clélie de Madeleine DE SCUDÉRY : l’amant doit suivre un itinéraire symbolique qui, en évitant le « Lac d’Indifférence », la « Mer d’inimité » et la « Mer dangereuse », le conduira au Village de Sincérité ou de Générosité

La « Carte du tendre » d’après le roman Clélie de Madeleine DE SCUDÉRY (gravure du XVIIe siècle, Paris, BNF)

UN LANGAGE CHOISI

Pour exprimer cette subtilité des sentiments, les précieux utilisent largement les ressources stylistiques des baroques. Ils raffolent de l’hyperbole, qui consiste à accentuer le caractère d’une réalité, à l’exagérer et, en particulier, à multiplier les appréciations portées sur la perfection de l’être aimé : ainsi, dans « La Belle Matineuse » (1649), VOITURE1 nomme celle qu’il aime « la Nymphe divine », l’évoque parée « de tant d’attraits divers », la considère comme « l’astre du jour » :

Des portes du matin l’Amante de Céphale,
Ses roses épandait dans le milieu des airs,
Et jetait sur les cieux nouvellement ouverts
Ces traits d’or et d’azur qu’en naissant elle étale,


Quand la Nymphe divine, à mon repos fatale,
Apparut, et brilla de tant d’attraits divers,
Qu’il semblait qu’elle seule éclairait l’Univers
Et remplissait de feux la rive Orientale.

Le Soleil se hâtant pour la gloire des Cieux
Vint opposer sa flamme à l’éclat de ses yeux,
Et prit tous les rayons dont l’Olympe se dore.

L’Onde, la terre et l’air s’allumaient alentour
Mais auprès de Philis on le prit pour l’Aurore,
Et l’on crut que Philis était l’astre du jour.

Les précieux recherchent l’effet, le paradoxe, s’efforcent de créer la surprise, en usant notamment de la pointe qui achève le poème sur une notation brillante : à la fin du « Dépit corrigé » (in Les Plaintes d’Acanthe, 1633), Tristan L’HERMITE conclut ses réflexions sur l’indifférence de l’objet de son amour en s’écriant :

C’est trop longtemps combattre un orgueil invincible
Qui brave ma constance, et ma fidélité.
Ne nous obstinons plus dans la témérité
De vouloir aborder ce roc inaccessible.


Tournons ailleurs la voile, et s’il nous est possible
Oublions tout à fait cette ingrate beauté,
Ne pouvant concevoir qu’avecque2 lâcheté
Tant de ressentiment pour une âme insensible.


Mais que dis-tu mon cœur ? aurais-tu consenti
Au perfide dessein de changer de parti,
Servant comme tu fais un objet adorable ?

Non, non, celle que j’aime est d’un trop digne prix,
Et tout autre beauté n’est pas même capable
De faire des faveurs qui vaillent ses mépris.

Ils jouent sur les oppositions et notamment sur les antithèses qui rapprochent, de façon inattendue, des expressions, des idées contraires : toujours dans « Le Dépit corrigé », Tristan L’HERMITE, parlant de celle qu’il aime, montre « la témérité / De vouloir aborder ce roc inaccessible » (v. 3-4). Ils accumulent les images, utilisent à satiété la métaphore qui consiste à supprimer le second terme d’une comparaison : dans « Le Promenoir des deux amants », Tristan L’HERMITE, pour désigner la poitrine de la femme aimée, parle de « ces deux monts d’albâtre3 ». A l’expression simple et directe, ils préfèrent la périphrase : dans Le Grand Cyrus (1649-1653) de Madeleine DE SCUDÉRY, Timocrate, au lieu de nommer Télésile dont il est tombé amoureux, évoque « ce merveilleux objet dont mes yeux étaient enchantés ». Ils utilisent volontiers la personnification qui donne vie à des objets ou à des notions : Tristan L’HERMITE choisit comme titre d’un de ses poèmes « Le Dépit corrigé ».

La préciosité ne se confond cependant pas avec le baroque. Fascinés par le jeu stylistique, les précieux manquent parfois du souffle de l’inspiration et leur expression apparaît souvent apprêtée. Par ailleurs, contrairement aux baroques soucieux de saisir toute la complexité de l’existence, les précieux sélectionnent les réalités qu’ils décrivent, et donc éliminent. Attirés par l’idéalisme, ils sont partisans d’un langage subtil, choisi, ce qui les amène à rejeter systématiquement les mots crus, à refuser d’aborder les sujets vulgaires.

LES GENRES PRÉCIEUX

La préciosité se retrouve dans le roman, particulièrement apte à décrire les subtilités de l’amour. Elle rencontre également un terrain privilégié dans la lettre littéraire favorable au développement d’un badinage gratuit (se souvenir des lettres, en particulier la dernière, que Cyrano écrit pour Christian et envoie à Roxane dans la pièce Cyrano de Bergerac d’Edmond ROSTAND – le Cyrano historique est lui aussi connu pour les lettres qu’il envoyait à ses contemporains).

Les « romans-fleuves », dont La Princesse de Clèves possède encore des caractéristiques (pas sa longueur !), atteignent parfois plusieurs milliers de pages. Ils s’appuient sur des données tirées de l’histoire (par exemple La Princesse de Clèves se déroule « dans les dernières années du règne de Henri second »), mais l’exactitude historique n’y est que relative : les auteurs ont tendance à projeter les réalités de leur temps et à faire parler leur imagination. Ce qui leur importe surtout, c’est la description de la passion amoureuse. Il s’agit, comme noté plus haut, d’un amour éthéré qui est présenté comme le moteur des actions humaines, qui incite le héros à se livrer à de hauts faits pour plaire à la femme aimée. C’est par ailleurs l’occasion de multiplier les aventures, ou à faire se succéder les rebondissements. Dans La Princesse de Clèves, les aventures laissent place aux digressions, aux récits enchâssés qui viennent apporter un éclairage autre sur les passions antagonistes de l’héroïne.

La poésie est son domaine d’élection. La préciosité reste encore modérée chez SAINT- AMANT ou chez Tristan L’HERMITE. Elle s’épanouit chez Vincent VOITURE (voir « La Belle matineuse »).

Les poètes précieux ont su mettre à leur service le sonnet, en accentuant encore la subtilité de la pointe qui l’achève. Ils ont aussi redonné vie à des genres légers, comme le madrigal, petit poème amoureux, le blason, qui consiste à décrire en détail le corps féminin en le magnifiant, et surtout le rondeau4 que VOITURE pratique fréquemment.

Les Salons littéraires
L
A MULTIPLICATION DES SALONS

L’amateur de mondanités et de vie brillante a le choix durant ces années 1630-1661. Le nombre de salons susceptibles de l’accueillir se multiplie. Encore faut-il, il est vrai, qu’il soit accepté, et la sélection est rigoureuse. Y être admis, c’est faire partie de l’élite de ce Paris mondain.

Pour la femme ou l’homme à la mode, il est indispensable d’avoir ses entrées à l’hôtel de Rambouillet. Dans cette somptueuse demeure située tout près du Louvre, la marquise DE RAMBOUILLET, bientôt assistée de ses deux filles, y reçoit ses nombreux invités. De 1610 à 1665, ce cercle devient une véritable institution. Les réunions qui s’y tiennent revêtent une grande importance dans l’évolution des idées : elles permettent de vulgariser dans les milieux de la cour l’esthétique classique qui est en train de se développer. Elles amènent à se côtoyer des grands, comme le cardinal DE LA VALETTE ou CONDÉ et des écrivains, comme VOITURE, VAUGELAS, LA ROCHEFOUCAULD, Madame DE SÉVIGNÉ ou Madame DE LA FAYETTE.

A partir de 1650, le rayonnement de ce salon tend à être progressivement éclipsé par celui de Madeleine DE SCUDÉRY. D’abord habituée de l’hôtel de Rambouillet, elle fonde son propre cercle dans sa demeure du Marais. Elle y entraîne des familiers du salon concurrent et y réunit des grands bourgeois et des écrivains. C’est là que se développe l’esprit précieux.

Ces deux centres de la vie mondaine sont de loin les plus importants. Mais bien d’autres cercles s’ouvrent aux amateurs. Dans le salon de Ninon de LENCLOS, se réunissent les libertins5. Chez Françoise D’AUBIGNÉ, l’épouse de Paul SCARRON et future Madame DE MAINTENON (seconde épouse de Louis XIV), se presse une assistance essentiellement bourgeoise. Durant la période suivante, d’autres salons verront le jour, en particulier celui de Madame DE LA FAYETTE (voir « quelques éléments biographiques »).

LE RAFFINEMENT FÉMININ

Le développement des salons constitue un phénomène de société qui s’organise autour de la femme. C’est elle qui règne sur ces cercles, c’est autour d’elle que s’élabore un véritable cérémonial fait de raffinement et de subtilité.

Voici un habitué qui arrive au jour et à l’heure de la réception à l’entrée d’un de ces lieux d’élection. Il heurte la porte avec le heurtoir soigneusement entouré d’un linge pour que le bruit ne gêne pas la conversation. Un valet lui ouvre et l’annonce à la maîtresse de maison. Il monte un étage et entre dans la chambre où se déroule la réunion. L’hôtesse est étendue ou assise au pied du lit. D’un côté, dans ce que l’on appelle une ruelle, s’empressent les serviteurs. Dans l’autre ruelle, prennent place les invités. Le nouvel arrivant présente ses hommages, fait ses civilités, puis se mêle au cercle.

On parle des grands problèmes de l’heure. Les précieuses revendiquent hautement l’égalité de la femme, son droit à la culture, sa liberté de choix, en particulier dans le mariage. On évoque les subtilités de l’amour, on discute longuement sur les comportements qu’il convient d’adopter. La littérature est un des sujets privilégiés. On juge des ouvrages. On entend des auteurs réputés lire leurs œuvres. On donne connaissance des lettres brillantes que l’on a reçues. On organise des concours de poésie.

LES JEUX

Dans ce monde d’oisifs, les jeux de société occupent une place importante. On prend comme surnoms les noms des héros des romans à la mode6. Le jeu du portrait consiste à faire deviner l’identité d’un familier du salon. Dans le jeu du corbillon, il s’agit, en réponse à la question : « Que met-on dans mon corbillon7 ? », de nommer un défaut ou une qualité de la personne à reconnaître, en utilisant un mot finissant par « -on ». Des plaisanteries, parfois douteuses, pimentent la vie de ces oisifs : après avoir raccourci ses habits, on fait croire, par exemple, au comte DE GUICHE que son corps a enflé parce qu’il a consommé des champignons vénéneux ; et l’on rit de son effroi lorsqu’il essaie de mettre ses vêtements. On ne s’ennuyait décidément pas dans les salons à la mode…

NOTES :

1. Ce thème de « La Belle Matineuse » (comparaison de la femme aimée avec l’étoile qui annonce le jour au matin) est extrêmement fréquent dans la poésie amoureuse à partir du XVIe siècle dans toute l’Europe (France, Italie, Espagne). Ce genre de thème est ce qu’on appelle un topos littéraire (attention au pluriel : des topoï littéraires) topos [τόπος] est un mot grec qui signifie « le lieu », en l’occurrence « le lieu commun » en littérature).
2. Ancienne orthographe de la préposition « avec » (seule orthographe qui vous soit permise). Ici, cette graphie permet d’obtenir les 12 syllabes nécessaires à l’alexandrin.
3. Pierre blanche employée pour faire des statues.
4. Poème de forme fixe composé d’une strophe de quatre ou cinq vers, une strophe de deux ou trois vers suivis du refrain et une strophe de quatre ou cinq vers terminée par le refrain.
5. Il n’est évidemment question que de libertinage de pensée, pas de mœurs. Les libertins, pour le dire rapidement, remettent en question l’organisation politique et sociale puisqu’ils écartent le fondement religieux de ces organisations : si Dieu n’est pas nécessaire à la vie humaine et à son organisation, comment faire ? C’est cette liberté par rapport aux doctrines officielles qui leur vaut le surnom de « libertins ». Ensuite, le libertinage devient, vers le XVIIIe siècle, davantage un libertinage de mœurs, avec des auteurs comme Sade, Mirabeau ou Laclos. Le sens que nous donnons, nous, aujourd’hui, au terme libertin (± échangiste, couples libres…) est tout à fait récent et très éloigné de ce que l’on appelait « libertin » aux XVIe-XVIIIe siècles.
6. Cela explique qu’Antoine Girard, se fasse nommer « Marc-Antoine de Gérard, sieur de Saint-Amant », que Madeleine Robin, se fasse appeler « Roxane » dans Cyrano de Bergerac.
7. Petite corbeille

Galerie de portraits et arbres généalogiques

Voici, pour vous permettre de vous y retrouver un peu plus facilement, une galerie des portraits des personnages historiques présents dans La Princesse de Clèves.

Voici, par ailleurs, un ensemble d’arbres généalogiques qui vous permettront de mieux comprendre les relations familiales et de pouvoir à l’œuvre dans le récit.

Généalogie des Valois, c’est-à-dire la famille royale de l’époque de l’intrigue (en particulier Henri II, Catherine de Médicis, François II et Marie Stuart)
La famille des Guise, eux aussi présents dans le récit (Cardinal de Lorraine, Duc de Guise, Marie Stuart – épouse de François II)
Généalogie de la famille royale d’Angleterre, les Tudor, dont nous aurons besoin pour comprendre l’histoire d’Anne de Boulen, mais aussi les relations entre les maisons de France et d’Angleterre, en particulier avec le mariage de François II et Marie Stuart.

« La Princesse de Clèves » – Entrer dans l’œuvre

Voici quelques éléments pour vous aider à entrer dans l’œuvre que nous allons étudier et vous en « faciliter » la lecture.

Vous pouvez, comme pour Montaigne, écouter un enregistrement audio du roman, par exemple celui-ci :


Mais, Vous pouvez, avant tout, commencer par écouter/lire quelques résumés (par exemple celui qui se trouve aux pages 194-197 de l’édition à partir de laquelle nous travaillerons).

En premier lieu je vous recommande celui-ci qui est très bon (et drôle), parce qu’il est du divin Jean Rochefort, mais il vous faudra vous accrocher pour comprendre l’ensemble du texte (l’argot est omniprésent) :

Ensuite (ne vous fiez pas au quinzième degré de la première minute), je vous recommande ce résumé très détaillé (et sérieux nonobstant les apparences) en deux parties :

Dans un autre registre, vous pouvez parcourir cette rapide BD qui permet, au moins, de fixer rapidement les différentes étapes du récit.

Enfin, je vous l’ai déjà signalée, vous pouvez visionner l’adaptation cinématographique que Christophe Honoré a fait de La Princesse de Clèves en 2008, avec son film La Belle personne. Il s’agit d’une transposition à l’époque moderne, dans un lycée parisien, de l’intrigue écrite par Madame de Lafayette.

https://youtu.be/IAQ9UTtTt28

En ce qui nous concerne, nous produirons, en classe, un résumé collaboratif de cette œuvre avant que vous ne commenciez la lecture de l’œuvre intégrale par vous-mêmes.

Écriture d’invention – Montaigne « Des Cannibales »

À la fin de l’essai « Des Cannibales », Montaigne donne la parole aux « sauvages » venus en Europe. Il rapporte alors la conversation qu’ils ont eu avec le roi de France et les courtisans qui l’accompagnaient (dont Montaigne lui-même).

Montaigne dit ne se rappeler que deux des trois éléments relevés par les « sauvages » :

« Après cela, quelqu’un en demanda leur avis, et voulut savoir d’eux ce qu’ils y avaient trouvé de plus admirable. Ils répondirent trois choses, dont j’ai perdu la troisième, et en suis bien marri ».

Vous rédigerez cette « troisième chose admirable » que les sauvages ont dite au roi et à sa cour. Souvenez-vous qu’admirable signifie « que l’on peut admirer », « qui suscite l’étonnement », ce que vous décrirez ne peut donc pas être un élément trivial.

Pour ce faire, vous vous appuierez sur vos connaissances des essais « Des Cannibales » et « Des Coches » (c’est-à-dire que vous pouvez vous inspirer d’éléments par ailleurs mentionnés par Montaigne) et de ce que vous savez du contexte historico-politico-philosophique de l’écriture de ce texte.

L’objectif est, aussi, d’imiter, dans la mesure du possible, le style de Montaigne. Vous pouvez donc tâcher d’employer des phrases complexes (bien construites évidemment), de procéder à quelques digressions, mettre en place des analogies, des oppositions, jouer sur l’ironie du propos ou de la situation… comme nous l’avons vu lors des explications de textes. Votre travail pourra être mené soit au discours direct, soit – comme le fait Montaigne – au discours indirect.

Votre travail comptera entre une vingtaine et une trentaine de lignes et devra m’être rendu de façon manuscrite le lundi 25 janvier prochain.

Montaigne : lectures des textes au programme

Pour vous aider à progresser dans la lecture de ces textes complexes, vous pouvez accompagner votre lecture de l’écoute de ces enregistrements. Ils sont accompagnés d’éléments visuels qui peuvent, éventuellement, aider à mieux comprendre le texte aussi.

« Des Cannibales » (I, 31)

« Des Coches » (III, 6)

Le siècle de Montaigne – Brève histoire des conflits religieux du XVIe siècle.

Le XVIe siècle est particulièrement marqué par l’opposition sanglante entre catholiques et protestants dans tout le royaume de France.

Connaître ces événements permet de comprendre l’approche « relativiste » de Montaigne qui le porte à décentrer son point de vue sur les événements.


Généalogie simplifiée des Valois

Depuis l’invention de l’écriture à caractères mobiles par Gutenberg au milieu du XVe siècle, les thèses réformistes de Luther (1483-1546) et Calvin (1509-1564) se sont répandues dans la population. Les réformistes s’opposent, au XVIe siècle aux catholiques. Les points d’opposition entre ces deux factions sont en particulier les suivants :

  • Le rejet du culte des saints et des indulgences. Les catholiques s’en remettent volontiers aux saints plus qu’à Dieu lui-même ; de même les évêques de l’Église et le Pape offraient aux fidèles, moyennant pèlerinage ou finance, une rémission des totale ou partielle des péchés, alors que les protestants pensent que seul Dieu peut racheter les péchés des Hommes.
  • Le rejet du principe d’autorité. Les protestants pensent que chaque individu a un rôle à jouer dans la communauté et que le prêtre (ou l’évêque, ou le Pape) n’est pas le seul dépositaire des fonctions pastorales. Les individus sont en relation « directe » avec Dieu et n’ont pas besoin d’intercesseurs. Dès lors c’est toute la hiérarchie telle qu’elle existe au XVIe siècle qui est remise en question puisque le roi de France tient son pouvoir de Dieu (il est sacré à Reims, ce qui signifie qu’il se place sous l’autorité du Pape – cela n’empêche pour autant pas les conflits puisque les États pontificaux sont aussi des forces armées qui souhaitent acquérir/préserver leurs territoires et que la fonction papale est éminemment politique).

Les conséquences de l’expansion des thèses protestantes se font ressentir dans tout le royaume de France (et ailleurs en Europe aussi, Allemagne, Suisse, Angleterre). En 1534, on trouve placardé sur la porte de la chambre du roi François Ier des affiches de propagande pour les idées réformées (c’est « l’affaire des Placards »). Le roi voit dans cet événement une atteinte à son autorité politique et les premières persécutions de protestants commencent. Lors de l’accession au trône de France de François II, en 1559, il est roi de plein exercice mais n’a que 15 ans et sa mère, Catherine de Médicis le conseille et ses oncles par alliance (il a été marié à Marie Stuart, de la famille des Guise, en 1558), ultra-catholiques à la tête de la Ligue, ont une grande influence sur la politique religieuse répressive qui se met en œuvre (perquisitions, arrestations, confiscations de biens notamment). Nonobstant une tentative de conjuration (en mars 1560), cette politique se poursuit jusqu’au décès du roi (en décembre 1560).

Son frère, Charles IX accède au trône alors qu’il n’a que neuf ans et sa mère, Catherine de Médicis, devient régente et nomme Michel de L’Hospital chancelier. Il est modéré et les Guise quittent la cour. Ce dernier tente de concilier les deux parties en suspendant les persécutions dont étaient victimes les protestants et en organisant un colloque à Poissy (septembre-octobre 1561) entre protestants et catholiques qui aboutit à l’édit de tolérance en janvier 1562 autorisant le culte réformé dans certains lieux, en dehors des villes. Les catholiques fanatiques, sous la direction des Guise, massacrent en mars 1562, les protestants du village de Wassy réunis, pour leur culte, dans une grange, et réponse, le prince de Condé, un des chefs protestants, s’empare d’Orléans. C’est le début de la première guerre de religion, sept autres suivront jusqu’à l’accession au trône d’Henri IV en 1589. Lors de chaque affrontement, lorsque les catholiques l’emportent, le traité signé réduit les libertés des protestants, lorsque les protestants emportent le conflit suivant un nouveau traité vient les rétablir. En 1572, la reine Catherine de Médicis, mère de Charles IX, décide de marier sa fille, Marguerite de Valois (la future « reine Margot »), au chef de l’armée réformée, Henri de Navarre (le futur Henri IV). Le jour du Mariage, à Paris, tous les chefs réformés sont présents pour assister à la noce, Catherine de Médicis, avec l’accord du roi, donne la consigne aux catholiques de massacrer tous les protestants de Paris et de province espérant ainsi anéantir les forces réformées, c’est le massacre de la Saint-Barthélémy. Henri de Navarre échappe de justesse à la mort, il y a eu au moins vingt mille victimes.

En 1574, Charles IX meurt et son frère, Henri III est appelé à régner à sa suite. Il poursuit la politique catholique répressive instiguée par ses frères.

En 1584, le dernier frère du roi, le Duc d’Alençon meurt et n’ayant pas d’enfants, Henri de Navarre devient seul héritier possible du trône de France (en vertu de la loi salique qui désigne comme successeur d’un roi sans enfant le mâle le plus directement proche de lui dans la descendance de ses ancêtres). Pour lui faire barrage, les catholiques ultra créent la Ligue, une armée de fanatiques dirigée par les Guise.

En mai 1588, Paris se révolte, poussée par Henri de Guise qui trouve Henri III trop modéré dans la lutte contre Henri de Navarre (c’est la « guerre des trois Henri »). En décembre de la même année, Henri III fait assassiner Henri de Guise et son frère Louis. Les membres de la Ligue tournent alors leur vindicte contre le roi. Henri III s’allie à Henri de Navarre pour contrer les Ligueurs, mais en avril 1589, Henri III se fait assassiner par le moine fanatique Jacques Clément. Henri de Navarre accède au trône sous le nom d’Henri IV, il parvient en quelques années à pacifier le royaume et offre aux protestants le droit de célébrer leur culte sur le territoire (édit de Nantes, 1598).

C’est dans cet environnement que Montaigne évolue. Il est catholique modéré, de même que sa femme, mais une de ses sœurs et un de ses frères sont protestants, il vit dans une région majoritairement protestante et il fait partie des familiers d’Henri de Navarre et fréquente occasionnellement la cour des rois Charles IX et Henri III.


Pour compléter et/ou éclairer ceci, je vous recommande de visionner le documentaire suivant (intéressant pour nous jusqu’à 13 minutes) :

Sources :

  • G. Décote, Itinéraires Littéraires – Moyen Âge, XVIe siècle, Paris, 1988
  • J. Garrisson, Royauté, Renaissance et Réforme (1483-1559) et Guerre Civile et compromis (1559-1598), Paris, 1991
  • Th. Charmanson, A.-M. Lelorrain, M. Sonnet, Chronologie de l’Histoire de France, Paris, 1994
  • B. Boudou, Montaigne – Essais (I, 31 – III, 6), Coll. Profil d’une œuvre, Paris, 1994