Sommaire

Français 1ère2

Séquence I – Baudelaire

  1. Baudelaire dans son siècle
    • Biographie de Baudelaire
    • Contexte historique
    • Romantisme, Parnasse, Symbolisme
  2. Baudelaire et les femmes
    • Jeanne Duval
    • Marie Daubrun
    • Apollonie Sabatier
  3. Histoire et structure du recueil
    • Histoire du recueil, les trois éditions
    • Structure du recueil de 1861
    • Sommaire des Fleurs du mal (1861)

Séquence II – Marivaux

  • Vie de Marivaux
  • Contexte historique
  • La Querelle des Anciens et des Modernes
  • L’œuvre

Séquence III – Rabelais




Méthode

  1. Présentation de l’épreuve orale du bac
  2. Propositions d’organisation du temps de travail (110 minutes et 4h)
  3. Comprendre sa note en français
  4. Introduction et conclusion
  5. Le commentaire linéaire (oral)
  6. Ficher les textes de l’oral
  7. La prise de notes et la restitution des notes
  8. L’argumentation et les stratégies argumentatives

Présentation de l’épreuve orale du bac de français

Durée : 50 minutes (30 minutes de préparation + 20 minutes de passage)

Coefficient : 5

Temps de passage et barème :

DuréeNoteÉpreuve
2 minutes2 pointsLecture
8 minutes8 pointsExplication linéaire
2 minute2 pointsGrammaire
8 minutes8 pointsEntretien

La première partie de l’épreuve (lecture + explication + grammaire) porte sur un des 20 textes étudiés en classe durant l’année. Le texte de l’explication et de la question de grammaire est choisi par l’examinateur.

La seconde partie de l’épreuve (entretien) porte sur une des 8 œuvres lues en classe ou en lecture cursive. C’est vous qui choisissez le texte sur lequel vous serez interrogé. Il est évident que votre examinateur vous portera, dans le jeu des questions-réponses, à vérifier le sérieux de votre lecture de l’ensemble des textes ; ne faites donc aucune impasse, ce serait très mal avisé.

Voici, quelques exemples de questions que l’on pourra vous poser, entrainez-vous à donner des réponses à celles-ci :

préparer son entretien sur une oeuvre/oral du bac de français

Pour mémoire voici l’ensemble des textes que nous avons étudiés (cliquez ici pour télécharger les textes tels que vous les présenterez à l’oral) :

Pour la première partie de l’épreuve :

  • Charles Baudelaire, « Correspondances »
  • Charles Baudelaire, « L’ennemi »
  • Charles Baudelaire, « À une passante »
  • Jules Laforgue, « Sonnet de printemps »
  • Georges Fourest, « Le Cid »
  • Rabelais, Gargantua, Prologue (début)
  • Rabelais, Gargantua, « Comment un moine de l’abbaye de Seuilly… »
  • Rabelais, Gargantua, « Mode de vie des Thélémites »
  • Fontenelle, Histoire des oracles, « La Dent d’or ».
  • Jean de La Fontaine, « Le Pouvoir des fables »
  • Marivaux, Les Fausses confidences, I, 2 (de « cette femme-ci à un rang » à la fin de la scène)
  • Marivaux, Les Fausses confidences, II, 13 (de « Êtes-vous prêt à écrire » à la fin de la scène)
  • Marivaux, Les Fausses confidences, III, 12 (de « Il n’y a pas moyen » à la fin de la scène).
  • E. Rostand, Cyrano de Bergerac, II, 10 (de « Si j’avais pour exprimer » à « tu seras ma beauté »)
  • Beaumarchais, Le Barbier de Séville, I, 4 (de « Il me vient une idée » à « ici la maison… »)
  • Abbé Prévost, L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Incipit (1/2) (de « Je fus surpris » à « sentiment de modestie »)
  • Abbé Prévost, L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Incipit (2/2) (de « Comme les six gardes » à « de tous les hommes »)
  • Abbé Prévost, L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Première rencontre entre le chevalier des Grieux et Manon Lescaut (première partie de « J’avais marqué le temps » à « et les miens »)
  • Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale : rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux (« ce fut une apparition » à « le capot de l’escalier »)
  • Philippe Besson, En l’absence des hommes (ch. 4, de « Et voilà que tu débarques » à « folie sans doute »)

Pour la seconde :

  • Pierre Lapointe, Les Sentiments humains
  • William Shakespeare, Hamlet (vous pouvez en voir une captation ici)
  • Voltaire, Micromégas
  • Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver
  • Romain Puertolas, L’Extraordinaire aventure du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea
  • Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses
  • Jan Carson, Les Lanceurs de feu
  • Jeannette Winterson, FranKISSstein, une histoire d’amour

Gargantua : structure et thèmes

G. Doré, « Rabelais présentant Gargantua », frontispice pour l’édition des œuvres de Rabelais, 1854 (source Gallica-BNF)

Généalogie gargantuine

La généalogie complète (et mythique) de cette famille est donnée dès le premier chapitre de Pantagruel, Rabelais fait remonter l’ascendance de ces géants aux temps d’avant le Déluge. Cette généalogie est évidemment fantaisiste mais doit être rapprochée de l’usage en cours dans l’Antiquité et au Moyen Âge d’inscrire les noms des grands dans une filiation honorable et légendaire (voyez la généalogie supposée d’Auguste qui inscrit son nom dans la succession d’Énée dernier survivant des Troyens après la chute de la ville ou encore la généalogie de Jésus que l’on trouve, par exemple dans l’Évangile selon saint Matthieu, I, 1-17).

Rabelais considère cette généalogie connue de ses lecteurs puisqu’il commence son récit par les mots suivants :


Je vous remectz à la grande chronicque Pantagrueline recongnoistre la genealogie et antiquité dont nous est venu Gargantua. En icelle vous entendrez plus au long comment les Geands nasquirent en ce monde : et comment d’iceulx par lignes directes yssit Gargantua pere de Pantagruel : et ne vous faschera, si pour le présent je m’en déporte.

Je vous renvoie à la grande Chronique pantagruéline pour reconnaître la généalogie et l’antiquité d’où nous est venu Gargantua. Vous entendrez dedans plus au long comment les Géants naquirent en ce monde, et comment, par ligne directe, en est sorti Gargantua, père de Pantagruel, et ne vous déplaise qu’à présent je m’en abstienne (chapitre I).


La structure du roman

Le roman est composé de 58 chapitres précédés d’un prologue programmatique. Le récit procède chronologiquement, c’est-à-dire que l’on suit les aventures de Gargantua, personnage principal et éponyme, depuis sa naissance jusqu’à la fondation de l’abbaye de Thélème à la fin des guerres picrocholines. Pour autant, certains chapitres sortent du cadre strictement chronologique pour permettre à l’auteur de développer ses idées sur la société dans laquelle il vit et les modes d’éducation.

La structure du récit est la suivante :

Première partie : les premières années de Gargantua [ch. I-XIII]

  • Chapitres 1-2 : La généalogie de Gargantua
  • Chapitres 3-7 : Sa naissance
  • Chapitres 8-13 : Son enfance

Deuxième partie : l’éducation de Gargantua [ch. XIV-XXIV]

  • Chapitres 14-15 : La mauvaise éducation des sophistes
  • Chapitres 16-20 : Gargantua à Paris
  • Chapitres 21-24 : La bonne éducation sous la direction de Ponocratès

Troisième partie : Les guerres picrocholines et les victoires de Gargantua [ch. XXV-LI]

  • Chapitres 25-28 : Les origines de la guerre
  • Chapitres 29-33 : Les démarches diplomatiques de Grandgousier
  • Chapitres 34-36 : La victoire de Gargantua sur les troupes du capitaine Tripet
  • Chapitres 37-41 : Le premier festin chez Grandgousier
  • Chapitres 42-44 : La victoire de Gargantua sur les troupes du capitaine Tyravent
  • Chapitres 45-46 : Le deuxième festin chez Grandgousier
  • Chapitre 47-49 : La victoire finale de Gargantua et la fin de la guerre
  • Chapitre 50-51 : Le troisième festin chez Grandgousier

Cinquième partie : L’abbaye de Thélème [ch. LII-LVIII]

  • Chapitres 52-58 : La description de l’abbaye de Thélème et de ses habitants.

Les thèmes développés

Les thèmes que développe Rabelais dans son roman sont, on va le voir, en lien direct avec l’actualité de l’époque à laquelle l’auteur vit. Il est évident que son récit est suffisamment subtil pour ne pas pointer directement aux personnes et événements, mais un lecteur attentif et au fait des problématiques de l’époque sait discerner derrière la fiction l’influence de la réalité historique telle qu’elle est vécue par Rabelais.

Ce rôle du lecteur est du reste affirmé dès le prologue, il doit être capable de voir derrière l’apparence des choses, comme le sage voit le remède derrière l’apparence grotesque de Socrate, nous en parlerons plus loin.

Le lecteur et son rôle

Dès les deux textes liminaires, l' »avis au lecteur » et le « prologue de l’auteur », Rabelais assigne à son lecteur un double rôle, explicite dans l' »avis » et plus implicite dans le « prologue ».

Amis lecteurs qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection,
Et le lisant ne vous scandalisez.
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire :
Aultre argument ne peut mon cueur elire.
Voyant le dueil, qui vous mine et consomme,
Mieulx est de ris que de larmes escripre.
Pource que rire est le propre de l’homme.

[Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Débarrassez-vous de toute affection
Et, en le lisant, ne vous scandalisez.
Il ne contient mal ni infection.
Vrai est qu’ici peu de perfection
Vous apprendrez, sauf pour ce qui est de rire.
Autre argument ne peut mon cœur élire,
Voyant le chagrin qui vous mine et consume.
Mieux est de rire que de larmes écrire,
Parce que rire est le propre de l’homme.]

(Avis au lecteur)

Il apparait donc ici, que le lecteur doit, avant même d’entrer dans le récit, se « débarrasser » de tout préjugé au sujet de ce qu’il pourrait y trouver. La suite rend la recommandation plus précise : un lecteur non averti pourrait être « scandalisé » par le contenu du livre qui, de prime abord, semble malséant. Or le seul objectif du récit, à en croire Rabelais, dans ces vers, est de faire rire. Il justifie cette idée en parodiant une citation d’Aristote (Les Parties des animaux, III, 10 – 673a27-28) qui affirmait que « l’homme est le seul animal capable de rire ». Mais ce rire se veut salvateur, pour détourner les hommes de leur tristesse.

Le prologue, lui assigne un autre rôle au lecteur, mais de façon plus oblique, plus détournée. Après avoir établi un parallèle entre l’œuvre à lire et le Socrate, Rabelais met en garde plus explicitement son lecteur :

À quel propos, en voustre advis, tend ce prélude, et coup d’essay ? Par autant que vous mes bons disciples […] lisans les joyeulx tiltres d’aulcuns livres de nostre invention […] jugez trop facilement ne estre au dedans traicté que mocqueries, folateries, et menteries joyeuses […]. Mais par telle legiereté ne convient estimer les œuvres des humains. Car vous mesme dictes, que l’habit ne faict poinct le moine. […] C’est pourquoy fault ouvrir le livre : et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien d’aultre valeur, que ne promettoit la boite. C’est à dire que les matières icy traictées ne sont tant folastres, comme le tiltre au dessus prétendoit.
Et posé le cas, qu’au sens literal vous trouvez matieres assez joyeuses, et bien correspondentes au nom, toutefois pas demourer là ne faut, comme au chant des Sirenes : ains à plus hault sens interpreter ce que par adventure cuidiez dict en gayeté de cueur.

À votre avis, pourquoi ce prélude et coup d’essai ? Pour que vous, mes bons disciples […] lorsque vous lirez les joyeux titres de certains livres imaginés par moi […], vous ne pensiez trop rapidement que leur contenu n’est que moqueries, folâtreries et menteries joyeuses […]. Il ne faut pourtant pas faire preuve de tant de légèreté lorsque l’on juge les œuvres humaines. Car vous-mêmes dites que l’habit ne fait pas le moine. […] C’est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement en évaluer le contenu. Vous saurez alors que la substance qu’il contient est d’une bien autre valeur que ce qu’en promettait la boîte. Je veux dire que les matières traitées ici ne sont pas si frivoles que le titre posé dessus le laissait entendre. À supposer que vous trouviez dans le sens littéral des matières assez joyeuses et correspondant bien au titre, il ne faut pourtant pas en rester là, comme fasciné par le chant des sirènes, mais plutôt interpréter à plus haut sens ce que vous pensiez n’être dit que par esprit de plaisanterie.

(Prologue)

Il s’agirait donc d’être capable de percevoir, derrière l’aspect risible et bas, un plus haut sens qu’il appartient au lecteur de déterminer et d’interpréter. Les points de vigilance des lecteurs sont les suivants : l’éducation, la religion et la guerre.

L’éducation

L’éducation est, pour les humanistes, un moyen de se distinguer de leurs prédécesseurs médiévaux, qu’ils présentent, très exagérément, comme « barbares » et « obscurantistes » (c’est d’ailleurs une façon de voir le Moyen Âge qui perdure encore aujourd’hui de façon tout à fait erronée – voir, par exemple, les ouvrages de Georges Duby sur cette période). La référence absolue des humanistes est, on l’a vu avec le Prologue de Gargantua, l’antiquité gréco-romaine, y compris les premiers auteurs chrétiens et Pères de l’Église, comme Jérôme (qui a traduit la Bible en latin) et Augustin tandis que les théologiens de la fin du Moyen Âge s’en détournent au profit de penseurs scolastiques qui ne conservent de la philosophie antique (en particulier aristotélicienne) que ce qui les intéresse au regard de leur propre lecture biblique et condamne le reste avec la plus grande fermeté. Ces penseurs sont « incarnés » dans Gargantua par les théologiens de la Sorbonne (dont Maître Janotus de Bragmardo est le représentant dans le roman) et ils sont décrits sans ménagement par Rabelais :

Maistre Ianotus tondu à la Cesarine, & vestu de son lyripipion theologal, & bien antidoté l’estomach d’un coudignac de four, et eau beniste de cave, se transporta au logys de Gargantua, touchant davant soy troys bedeaulx à rouge muzeau, & trainnant après cinq ou six maistres inertes bien crottez à proffit de mesnaige. A l’entrée les rencontra Ponocrates : & eut frayeur en soy les voyant ainsi desguisez, & pensoyt que feussent quelques masques hors du sens.

[Maître Janotus, coiffé à la césarine, vêtu de son lyripipion théologal, l’estomac bien immunisé avec du cotignac de four et de l’eau bénite de cave, se rendit au logis de Gargantua, poussant devant lui trois vedeaux à rouge museau, et trainant derrière lui cinq ou six maîtres inertes bien abondamment crottés. Ponocrates les croisa à leur arrivée. Il éprouva une grande frayeur en les voyant ainsi accoutrés, car il crut avoir affaire à une bande de déguisés complètement fous.]

(Ch. XVIII)

Maître Janotus est décrit comme un théologien de la Sorbonne, mais tout chez lui est tourné en dérision : sa coiffure est comparée à celle de Jules César dont on sait qu’il était chauve, son « immunité » provient de pâte de coing (« coudignac ») et de vin (mentionné ici comme de l' »eau bénite ») ; au lieu d’être mené par des veaux il l’est par des « bedeaulx » (mot-valise comique formé de « bedeau » et de « veau » – le « bedeau » étant le serviteur d’un membre du clergé, ce qu’est Janotus) et il est accompagnés de « maîtres inertes », sans vie, mou, ce qui représente un nouveau jeu de mot avec un grade universitaire médiéval « magister in artes » (maîtres en arts). Enfin toute cette coterie est vue comme un ensemble d’hommes « déguisés » et « complètement fous ».

Le discours tenu par Maître Janotus au chapitre XIX fait lui-aussi la critique de l’enseignement universitaire tel qu’il est donné en Sorbonne puisque cette harangue n’a aucune structure, n’est qu’un ramassis de formules stéréotypées et creuses, l’ensemble mélangeant une sorte de latin, de français et des onomatopées marquant la toux de ce piètre orateur.

Cette critique de la scolastique reste tout de même assez fugace dans le roman. La première critique portée à l’éducation médiévale se trouve dans l’absence d’éducation que Gargantua reçoit étant entre trois et cinq ans (chapitres VII-XIII). En effet, Gargantua est alors livré à ses besoins primaires et ne fait que :

[…] boyre, manger, et dormir : […] manger, dormir, et boyre : […] dormir, boyre, et manger.

(Ch. XI)

Pour le reste, il ne reçoit aucune éducation et se comporte d’une façon quasi animale :

Tousiours se vaultroyt par les fanges, se mascaroyt le nez, se chaffouroyt le visage. Et aculoyt ses souliers & baisloit souvent aux mousches & couroyt voulentiers après les parpaillons […]. Il pissoyt sus ses souliers, il chyoit en sa chemise, il morvoyt dedans sa soupe. Et patrouilloit par tout […]. Les petitz chiens de son père mangeoyent en son escuelle. Luy de mesmes mengeoit avecques eulx : Ils luy leschoyent les badigoinces.

[Il se vautrait toujours dans les fanges, se noircissait le nez, se barbouillait le visage. Il déformait ses souliers, bâillait souvent aux mouches et courait volontiers après les papillons […]. Il pissait sur ses souliers, chiait dans sa chemise, se mouchait dans ses manches, laissait couler sa morve dans la soupe. Il pataugeait partout […]. Il laissait manger les petits chiens de son père dans son assiette. Et lui-même mangeait avec eux et ils lui léchaient les lèvres.]

(Ch. XI)

voire lubrique puisque, avec ses gouvernantes :

desjà commençoyt exercer sa braquette.

[Il commençait déjà à exercer sa braguette.]

(Ch. XI)

Pour autant, et cela sert la structure narrative du roman en laissant la possibilité d’un progrès de Gargantua grâce à son instruction à venir, l’enfant semble doué de qualités intellectuelles supérieures à en juger par son ingéniosité (mise en évidence avec l’épisode des chevaux factices, chapitre XII) et son aptitude au langage manifesté par les propos qu’il tient à son père et le poème qu’il compose au sujet du torche-cul (chapitre XIII). Constatant ces dispositions naturelles, Grandgousier décide de le faire instruire par les meilleurs savants :

Et parviendra à degré souverain de sapience, s’il est bien institué. Pourtant je veulx le bailler à quelque homme sçavant pour l’endoctriner selon sa capacité.

[Il parviendra à un degré souverain de sagesse s’il est bien instruit. Par conséquent, je veux le confier à un savant, pour qu’il l’éduque selon ses capacités.]

(Ch. XIV)

Mais l’éducation que lui apportent les maîtres sophistes (des maîtres en théologie dans la première édition, celle de 1535 – Rabelais a donc « assagi » son propos dans celle que nous lisons et qui date de 1542) s’avère être totalement inutile, nonobstant la somme des choses apprises :

À tant son pere aperceut que vrayment il estudioit tres-bien et y mettoit tout son temps, toutefoys qu’en rien ne prouffitoit. Et que pis est, en devenoit fou, niays, tout resveux et rassoté.

[Son père s’aperçut qu’il étudiait vraiment très bien, et qu’il y consacrait tout son temps, mais qu’il ne progressait en rien. Pire, il en devenait complètement fou, stupide, rêveur et idiot !]

(Ch. XV)

En effet, cet enseignement ne consiste qu’en un apprentissage par cœur et mécanique d’alphabets, de textes et de commentaires, mais sans aucune contrainte horaire, ni organisation des choses étudiées, ni réflexion dans le propos (chapitre XXI) ; Gargantua est incapable de relever le défi lancé par Dom Philippe des Marais qui souhaite comparer son éducation à celle du jeune Eudémon, lequel s’est montré capable d’un discours parfaitement composé et énoncé, tandis que Gargantua ne peut rien d’autre que pleurer et cacher son visage de honte :

Mais toute la contenence de Gargantua fut, qu’il se print à plorer comme une vache, et se cachoit le visaige de son bonnet, et ne fut possible de tirer de luy une pareolle, non plus q’un pet d’un asne mort.

Mais toute la contenance de Gargantua fut de se mettre à pleurer comme une vache. Il se cacha le visage derrière son bonnet, et il ne fut pas plus possible d’obtenir un mot de lui qu’un pet d’un âne mort.

(Ch. XV)

À la suite de cet incident Grandgousier décida de lui offrir un autre style éducation, la même qu’avait reçu Eudémon, sous la direction de Ponocrates (ce nom signifie en grec « celui qui règne par le travail », « celui qui dirige le travail » ou, plus simplement « puissance de travail »). Ce dernier propose une étude de style humaniste, basée sur la rigueur de l’organisation journalière, sur une hygiène de vie irréprochable (dont manque cruellement Gargantua en sa jeunesse), un apprentissage méthodique et réfléchi des choses terrestres et divines à partir de textes authentiques, choses sur lesquelles et à partir desquelles il doit apprendre à raisonner. L’intégralité du long chapitre XXIII (le plus long du roman, et de loin) est consacré à cette présentation des apprentissages.

Deux tendances s’opposent donc : d’une part, un apprentissage mécanique qui ne porte ni à la réflexion ni à l’accomplissement de l’homme en tant que tel, d’autre part un apprentissage, fondé sur la connaissance des textes tant antiques que bibliques, qui vise à l’émancipation de l’homme, à sa pleine compréhension de sa place dans la société et dans le dessein de Dieu. Cette éducation humaniste.

Pour autant, l’éducation humaniste de Gargantua ne tourne pas complètement le dos à la scolastique dont elle reprend en partie l’organisation. En effet, Gargantua connait les principes des sept arts libéraux (grammaire, dialectique, rhétorique d’une part ; arithmétique, géométrie, astronomie, musique d’autre part), mais ce ne sont plus des fins en soi, mais des moyens pour parvenir à une connaissance plus affermie de la nature et de l’humanité.

Par-delà le prologue qui montrait déjà la possible et nécessaire éducation du lecteur afin de lui permettre d’accéder à un autre niveau de conscience du texte, Rabelais propose, par l’éducation de Gargantua un exemple d’éducation qu’il est possible de mettre en place, dans la société, en ayant recours aux humanistes qui la composent (Guillaume Budé, Erasme, Rabelais lui-même, entre autres). C’est-à-dire qu’il faut, comme y invite le prologue, voir au-delà de l’apparence du récit pour y trouver le fondement d’une nouvelle pédagogie qui s’écarte des canons médiévaux.

Rabelais donne même à lire un exemple de cette société composée de ces êtres éduqués et libres, en l’utopie de Thélème :

Tant noblement estoient apprins, qu’il n’estoit entre eulx celluy, ne celle qui ne sceut lire, escripre, chanter, jouer d’instruments harmonieux, parler de cinq et six langaiges, et en iceulx composer tant en carme que en oraison solue.

Jamais ne feurent veuz chavaliers tant preux, tant gualans, tant dextres à pied, et à cheval, plus vers mieulx remuans, mieulx manians tous bastons que là estoient.

Jamais ne feurent veueus dames tant propres, tant mignonnes, moins fascheuses, plus doctes à la main, à l’agueille, à tout acte muliebre honneste et libere, que là estoient.

[Ils étaient si bien instruits que tous savaient lire, écrire, chanter, jouer d’harmonieux instruments, parler cinq ou six langues dans lesquelles ils composaient en vers ou en prose. Jamais on ne vit ailleurs chevaliers aussi preux, galants, adroits à pied comme à cheval, vigoureux, alertes, habiles à toutes sortes d’armes. Jamais on ne vit de dame aussi élégantes, mignonnes, agréables, adroites aux travaux d’aiguille et à toutes les activités convenant à toute femme noble et libre.]

(Ch. LXVII)

La religion

Rabelais, en tant qu’homme du XVIe siècle et plus encore en tant que moine, ne peut pas ignorer la religion. En tant qu’érudit humaniste, il étudie les textes sacrés et leurs commentaires. Enfin, en tant qu’homme d’Église proche du pouvoir clérical (il est au service de l’évèque de Paris, Jean du Bellay) modéré, il parvient à avoir une vision surplombante de la situation du christianisme à son époque.

Il est le témoin direct du début des luttes fratricides entre catholiques et protestants (voir cet article), mais dans le même temps les sujets de dissension au sein de l’Église sont nombreux. Il est ouvertement opposé aux Jésuites de la Sorbonne qui, en tant que théologiens, instituent les dogmes et veillent au respect de l’institution. C’est à cause des sorbonnards que ses livres lui ont été confisqués quand il était moine franciscain au monastère de Fontenay-le-Comte (cf. vie de Rabelais). En effet, l’accès aux textes anciens et à d’autres versions que la traduction latine de la Bible (la Vulgate) aurait susciter trop d’interrogations nouvelles de nature à ébranler l’institution ecclésiastique. Gargantua donne à voir certains de ces éléments d’opposition aux gens de Sorbonne.

L’Institution de Sorbonne est mise en cause d’abord indirectement avec la présence d’un sophiste comme premier précepteur de Gargantua (ch. XIV « Comment Gargantua fut institué par un sophiste en lettres latines »). Ce précepteur porte le nom de Thubal Holopherne ; thubal est un mot hébreu signifiant, « confusion » et Holopherne est un personnage biblique réputé pour sa cruauté (cf. Livre de Judith) : c’est dire si ce nom est programmatique (tous les noms du roman le sont et nécessitent un travail de traduction parce qu’ils donnent des indications quant au caractère et aux attributions des personnages). Le seul mérite de ce précepteur est d’être parvenu a apprendre à Gargantua l’alphabet « par cœur et à l’envers » en « cinq ans et trois mois ». Cette éducation, fondée sur le modèle scolastique du Moyen Âge que récusent les Humanistes, est totalement inutile puisque lorsque le jeune Gargantua est confronté, dans une sorte de joute verbale, à Eudémon, il est incapable de proférer une seule parole et ne peut que « pleurer comme une vache […] et il ne fut pas plus possible d’obtenir un mot de lui qu’un pet d’un âne mort » (ch. XV). Le jugement de Rabelais est sans appel !

Plus loin dans le roman, l’Institution sorbonnarde est directement ridiculisée cette fois en la personne de maître Janotus de Bragmardo qui est envoyé auprès de Gargantua (ch. XVIII-XX) pour récupérer les cloches de Notre Dame qu’il a dérobées pour en faire « des clochettes [à déposer] au cou de sa jument » (ch. XVII). Le propos de Janotus, pour récupérer les cloches est totalement incohérent sous des apparences savantes servies par de fausses expressions latines et locutions logiques employées mal à propos. Une fois de plus Rabelais, dans ce passage, montre la supériorité de l’éducation et de l’érudition humaniste sur l’enfermement doctrinal prôné par les théologiens de la Sorbonne. On ne peut guère s’étonner de ce que ceux-ci aient réussi à faire censurer Gargantua par le Parlement en 1543.

Un autre point est mis en question par Rabelais dans son œuvre, celui des ordres monacaux. De ses deux expériences personnelles en monastère, d’abord chez les Franciscains, ensuite chez les Bénédictins, il retire quelque enseignement. Au premiers il emprunte une forme de légèreté de ton et de dérision sur tous les sujets. Combiné à une irrévérence propre au Moyen Âge, cela donne l’aspect burlesque, carnavalesque de ce récit dans lequel le scatologique côtoie les références sexuelles et la bassesse les plus totales, la plupart du temps avec une visée comique et satirique (bien se souvenir que rien n’est jamais gratuit chez Rabelais et que l’extérieur grotesque de la boite renferme les essences les plus précieuses qui soient). Aux Bénédictins il emprunte un goût certain pour le savoir, pour la recherche.

Pour autant Rabelais se livre, une fois de plus, à une critique sans merci vis-à-vis des moines. La charge la plus violente contre les moines est menée au chapitre XL (« Pourquoi les moines sont rejetés du monde et pourquoi certains ont le nez plus grand que les autres ») :

Ce qu’il faict est tout conchier et degaster, qui est la cause pourquoy de tous repceoyt mocqueries et bastonnades. Semblablement, un moyne (j’entends de ces ocieux moynes) ne laboure comme le paisant, ne garde le pays comme l’homme de guerre, ne guerist les malades comme le medicin, ne presche ny endoctrine le monde comme le bon docteur evangelicque et pedagoge, ne porte les commoditez et choses necessaires à la republicque comme le marchant. Ce est la cause pourquoy de tous sont huez et abhorrys.

— Voyre, mais (dist Grandgousier) ilz prient Dieu pour nous.

— Rien moins (respondit Gargantua). Vray est qu’ilz molestent tout leur voisinage à force de trinqueballer leurs cloches.

— Voyre (dist le moyne), une messe, unes matines, unes vespres bien sonnéez sont à demy dictes.

— Ilz marmonnent grand renfort de legendes et pseaulmes nullement par eux entenduz ; ilz content force patenostres, entrelardées de longs Ave Mariaz, sans y penser ny entendre, et ce je appelle mocquedieu, non oraison. Mais ainsi leurs ayde Dieu, s’ilz prient pour nous, et non par paour de perdre leurs miches et souppes grasses.

[Le moine] ne fait que tout saccager et souiller de ses excréments. Voilà les raisons pour lesquelles il est moqué et bastonné par tous. De même, un moine (je parle de ces moines inutiles et fainéants) ne laboure pas pas comme un paysan, il ne protège pas le pays comme un soldat, il ne guérit pas les malades comme le médecin, il ne prêche ni n’instruit le monde comme un bon prédicateur évangélique et un bon pédagogue, il ne transporte pas les biens nécessaires à la société comme le marchand. C’est pourquoi ils sont hués et abhorrés par tout le monde.
– Certes dit Grandgousier, mais ils prient Dieu pour nous.
– Pensez-vous ! répondit Gargantua. En fait, ils assomment tout leur voisinage à force de secouer leurs cloches.
-C’est vrai, dit le Moine [= frère Jean] : messe, matines et vêpres bien sonnées sont à moitié dites.
– Ils marmonnent quantités de vies de saints et de psaumes auxquels ils ne comprennent rien. Ils disent force de patenôtres entrelardées de longs « Ave Maria » sans rien y entendre et sans même y penser ! J’appelle cela des « moque-Dieu », non des prières. Que Dieu les aide s’ils prient pour notre salut et non par peur de perdre leur pain et leurs soupes bien grasses.

(Ch. XL)

C’est donc l’inutilité sociale et spirituelle du corps monacal que Rabelais critique et dénonce. Cette critique est renforcée par la dénonciation de l’hypocrisie totale de ces hommes censés être au service de leur prochain puisque pendant que les laïcs sont en pèlerinage, les moines « biscotent [leurs] femmes » :

— Et comment (dist le moyne) se porte l’abbé Tranchelion, le bon beuveur ? Et les moynes, quelle chere font ilz ? Le cor Dieu ! ilz biscotent voz femmes, ce pendent que estes en romivage !

— Hin, hen ! (dist Lasdaller) je n’ay pas peur de la mienne, car qui la verra de jour ne se rompera jà le col pour l’aller visiter la nuict.

— C’est (dist le moyne) bien rentré de picques ! Elle pourroit estre aussi layde que Proserpine, elle aura, par Dieu, la saccade puisqu’il y a moynes autour, car un bon ouvrier mect indifferentement toutes pieces en œuvre. Que j’aye la verolle en cas que ne les trouviez engroissées à vostre retour, car seulement l’ombre du clochier d’une abbaye est feconde.

– Et comment se porte l’abbé Tranchelion, le bon buveur ? Et les moines que mangent-ils ? Par le cordieu, ils biscotent vos femmes pendant que vous êtes en pèlerinage !
– Hin, hin ! dit Lasdaller, je n’ai pas peur pour la mienne. Car celui qui la verra en plein jour ne risquera pas de se rompre le cou en allant lui rendre visite la nuit.
– C’est, répondit le Moine, bien rentré de piques ! Elle pourrait être aussi laide que Proserpine, par Dieu elle aurait de toute façon la saccade, puisqu’il y a des moines dans les environs. Car un bon ouvrier met indifféremment toutes ses pièces à l’œuvre. Que l’attrape la vérole si vous ne les trouvez pas engrossées à votre retour. Même l’ombre du clocher d’une abbaye est source de fécondité.

(ch. XLV)

L’objectif de ces critique acerbes est de pouvoir présenter à ses lecteurs un contrepoint fort, qui mettrait en évidence les vraies valeurs que devrait avoir un homme d’Église et qui s’incarne dans le personnage pour le moins surprenant de frère Jean qui lui est revêtu de toutes les qualités attendues :

Tous vrays christians, de tous estatz, en tous lieux, en tous temps, prient Dieu, et l’Esperit prie et interpelle pour iceulx, et Dieu les prent en grace. Maintenant tel est nostre bon Frere Jean. Pourtant chascun le soubhaite en sa compaignie.

Il n’est point bigot ; il n’est poinct dessiré ; il est honeste, joyeux, deliberé, bon compaignon.

Il travaille ; il labeure ; il defent les opprimez ; il conforte les affligez ; il subvient es souffreteux ; il garde les clous de l’abbaye.

Tous les vrais chrétiens, de toutes origines, en tous lieux, prient Dieu et l’esprit prie et intercède pour eux, en retour : et Dieu les prend en grâce. Tel est notre bon frère Jean maintenant. Pour cela chacun souhaite l’avoir en sa compagnie.
Il n’est point bigot, il n’est point triste sire, il est honnête, joyeux, résolu, bon compagnon. Il travaille, il laboure, il défend les opprimés, il réconforte les affligés, il subvient aux besoins des souffreteux, il garde la clos de l’abbaye.

(Ch. XL)

C’est parce que frère Jean revêt toutes les qualités d’un saint homme que Gargantua lui propose de prendre la tête de l’abbaye de Thélème qu’il fonde (ch. LII) et qui donne à lire une utopie, un lieu dédié à la prière, à l’élévation de chacun, homme ou femme, par l’expression de sa liberté (cf. cours sur le chapitre LVII).

Il est donc manifeste que la charge contre certains religieux, en particulier les Jésuites de la Sorbonne, et l’institution monacale n’est pas gratuite, elle sert un projet plus grand et ambitieux, celui de fonder une société basée sur l’éducation, la reconnaissance de la liberté, de l’égalité et de la fraternité entre les Hommes. Ce projet préfigure à bien des égards les réflexions des philosophes des Lumières et les revendications révolutionnaires des XVIIIe et XIXe siècle.

La guerre

Sources :

  • A. Armand, Itinéraires Littéraires – Moyen Âge/XVIe siècle, Paris, 1988
  • N. Le Cadet, Gargantua, Paris, 2017
  • G. Duchet-Suchaux, M. Duchet-Suchaux, Les Ordres religieux – Guide historique, Paris, 2000
  • Ph. Hamon, 1453-1559 – Les Renaissances, Paris, 2009
  • M. Huchon, Rabelais – Œuvres complètes, Paris, 1994

Montaigne (1533-1592) – Éléments biographiques

Portrait présumé de Michel de Montaigne par Dumonstier (?) – Musée de Condé – Chantilly

Enfance et éducation humaniste (1533-1555)

Michel Eyquem est né en 1553 au château de Montaigne en Dordogne. Il est l’ainée de sa fratrie et c’est donc à lui qu’échoit, à la mort de son père, le nom du château (partant son nom usuel « Michel de Montaigne » ou simplement « Montaigne »). Son père confie son éducation à un précepteur qui ne lui parle qu’en latin. De ces deux hommes, il reçoit une éducation humaniste qui tire ses fondements de la littérature gréco-romaine et qui fait de l’histoire de ces peuples des exemples (à suivre ou contre lesquels se prémunir). Son père participe à la cinquième guerre d’Italie (1513-1515) aux côtés du roi François Ier (1494-1547) qui vient d’accéder au trône à la suite de son oncle Louis XII (1462-1515) et quelques temps après son retour, il devient jurade (± conseiller municipal) puis maire de Bordeaux de 1554 à 1556.

Carrière politique (1555-1570)

Après des études de droit à Toulouse, Michel de Montaigne s’engage dans une carrière de magistrat à partir de 1555, d’abord à Périgueux, puis au Parlement de Bordeaux ce qui l’implique, dans des missions diplomatiques auprès de la cour du roi Henri II (1547-1559), puis de ses fils, les rois François II (1559-1560) et Charles IX (1560-1574) et Henri III (1574-1589). En 1557, il rencontre Etienne de La Boétie, de trois ans son aîné, avec qui il noue une solide et réciproque amitié. La Boétie a eu, sur Montaigne, une grande influence de par son expertise juridique mais aussi et surtout parce qu’il exerce une grande influence philosophique sur Montaigne et l’engage à tendre vers l’idéal moral et à s’engager dans une réflexion politique. Tous deux reprochent à leurs maîtres humanistes de se confiner dans le savoir livresque sans mettre ces savoirs à l’épreuve de l’action politique. Ce questionnement est au cœur de l’engagement politique de Montaigne durant les années de guerres civiles qui opposent catholiques et protestants, années durant lesquelles Montaigne fait office de médiateur entre les deux parties, du fait de sa tempérance. L’amitié prend fin avec la mort prématurée de La Boétie en 1563.

En 1559, à la suite du décès accidentel du roi Henri II, il rejoint la cour du jeune roi François II et se voit confier des tâches d’ambassade. En 1562, il se rend à Rouen avec François II après que la ville a été reprise aux protestants par les catholiques et c’est là qu’il rencontre les trois « cannibales » dont il parle dans le chapitre « Des Cannibales » (I, 31) [vous noterez que Montaigne commet une erreur lorsqu’il relate cette rencontre puisqu’il la place sous le règne de Charles IX, pour les besoins de la critique qu’il met dans la bouche des « sauvages »] :

« Trois d’entre eux […] furent à Rouen, du temps que le feu roi Charles neuf y était » (ll. 472‑479).

La retraite (1571-1592)

Après 1563, il suit les affaires de la cour de loin et se concentre à l’administration des affaires de Guyenne. Il se marie en 1565 et de cette union ne survit qu’une fille. En 1568 son père meurt à son tour. Montaigne résigne ses charges au parlement de Bordeaux en 1570 et se retire, en 1571 dans le château dont il a hérité de son père.

Cette retraite est consacrée à l’étude, sur le modèle de l’otium (loisir studieux) de ses maîtres latins et humanistes. Il lit et entreprend l’écriture des Essais. Ce effort d’écriture est constitue un retour sur lui-même, ses pensées, sa vie, à destination de ses proches et de ses amis. Son objectif, clairement énoncé dans l’avis « Au lecteur » :

C’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t’avertit, dés l’entrée, que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n’y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus altiére et plus vive, la connaissance qu’ils ont eue de moi. Si c’eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l’a permis. Que si j’eusse été entre ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n’est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc ; de Montaigne, ce premier de mars mil cinq cent quatre vingts.

Mais l’écriture n’est pas linéaire, bien au contraire. Ce n’est pas une autobiographie mais plutôt un auto-portrait, peint par touches successives au gré de l’enchaînement des pensées.

Cette activité ne signifie pas pour autant que Montaigne se désintéresse de ce qui se passe en France, il y fait des allusions et ses prises de positions modérées sont visibles, par exemple dans la critique du pouvoir papal sur les Indes :

« Ils étaient […] envoyés par le Roi de Castille […] auquel le Pape, représentant de Dieu sur terre, avait concédé la domination sur les Indes entières » (« Des Coches », ll. 558-561)

A titre personnel, Montaigne est directement impliqué dans l’opposition entre catholiques et protestants (même s’il ne prend pas part à la guerre) : certains de ses frères et sœurs sont protestants tandis que la famille de sa femme était ultra-catholique. Le traité de son ami La Boétie (De la servitude volontaire) est utilisé par les réformés dans des textes à charge (pamphlets) contre le pouvoir royal. Il fréquente alors la cour du roi Henri III de Navarre (le futur Henri IV de France) dont il devient, en 1577 le « Gentilhomme de la chambre », et fait aussi parti des intimes d’Henri III de France.

En 1580, il fait publier les deux premiers livres des Essais et se rend à la cour pour les apporter, en personne au roi Henri III. Mais, étant atteint de gravelle (calculs rénaux), maladie grave et mal soignée à l’époque, il entreprend un voyage en Allemagne, Suisse, Autriche et Italie afin d’aller dans différentes villes thermales en quête d’un traitement. C’est en Italie, en 1581, qu’il apprend qu’il a été élu maire de Bordeaux et que le roi Henri III l’enjoint personnellement à accepter cette charge. Il rentre donc à Montaigne et s’acquitte de sa mission tâchant au mieux de négocier entre catholiques ultra, modérés et protestants (puisque Henri de Navarre est gouverneur de la province de Guyenne). Il est exceptionnellement réélu à cette charge en 1583, nonobstant l’opposition de la Ligue. Durant ce second mandat, ses activités de conciliation entre Henri III et Henri de Navarre se multiplient l’empêchant de se consacrer autant qu’il l’aurait souhaité à la rédaction du troisième livre des Essais. Il ne mène pas son mandat à son terme parce que la peste se déclare en 1585 et qu’il préfère se retirer à Montaigne pour se tenir éloigné de la contagion. Après sa démission, il poursuit la rédaction du livre III des Essais. Il se rend à Paris en 1588 pour faire imprimer son ouvrage. C’est là qu’il rencontre Marie de Gournay (cf. cours sur l’histoire du texte) et se retrouve brièvement enfermé par les ligueurs. La reine mère, Catherine de Médicis, obtient qu’il soit libéré et il rejoint le roi à Blois. Il retourne ensuite chez lui où il apprend l’assassinat d’Henri III et aide le nouveau roi, Henri IV, à pacifier la Guyenne, sans pour autant accepter de venir le conseiller à Paris. Il meurt en septembre 1592.


Vous pouvez, pour compléter ce rapide tableau, écouter l’émission suivante consacrée à Montaigne et qui éclaire à la fois sa vie et son œuvre.

Montaigne, Les Essais (1595) – Une brève histoire du texte.

Les Essais de Montaigne sont une œuvre composée durant 18 ans et inachevée à la mort de l’auteur en ce sens que l’édition que nous lisons est celle qui inclut les notes manuscrites que Montaigne a apporté à la troisième édition de son texte en 1588, c’est ce que l’on appelle « l’exemplaire de Bordeaux » (parce qu’il est conservé à la Bibliothèque municipale de Bordeaux).

Extrait de l’Exemplaire de Bordeaux qui correspond aux lignes 134-145 de notre édition et que nous avons étudié en cours (texte 1) [Source : BNF-Gallica]

L’édition des Essais s’est donc déroulée en quatre temps :

1580 : Première édition. Le texte comporte alors deux livres qui comportent, en tout, 94 chapitres (57 pour le Livre I et 37 pour le Livre II). Cette première édition devait, dans l’esprit de Montaigne, au début de son projet éditorial, servir d’écrin au Traité de la servitude volontaire de La Boétie, mort en 1563. Le texte de son ami aurait dû venir s’intercaler entre le premier et le second livre. Ce projet n’a jamais vu le jour.

1587 : Deuxième édition du texte qui comporte environ 150 corrections mineures et 50 ajouts conséquents, souvent inspirés de ses voyages en Italie dans les années 1580-1581.

1588 : Troisième édition. Le texte des deux premiers livres est très largement remanié par l’ajout de nombreux passages (plus de 500 peut-on lire sur le privilège royal). L’autre nouveauté de cette édition est l’addition d’un troisième livre composé de 17 chapitres dont le volume est aussi important que chacun des deux autres livres.

Extrait du privilège royal autorisant l’impression de la troisième édition augmentée des Essais [source : BNF-Gallica]

Cette troisième édition se justifie de deux façons : l’une littéraire, l’autre économique.

Du point de vue littéraire, Montaigne n’a jamais cessé de retravailler, de remanier, d’approfondir son propos. Les additions de la troisième éditions sont les marques de cette réflexion en mouvement.

Du point de vue économique, les livres imprimés en France, le sont majoritairement avec un « privilège ». Il s’agit d’une autorisation exclusive octroyée à un éditeur d’imprimer un texte, pour une durée limitée (ici neuf ans). A la fin de la période déterminée par le privilège, tout éditeur peut imprimer, pour son compte, le texte, il échappe donc à son auteur. La solution pour proroger un privilège est de soumettre une œuvre passablement remodelée. C’est ce que note le privilège du roi reproduit ci-dessus :

Par grâce et privilège du Roi, il est permis à Abel L’Angelier, libraire […] d’imprimer […] Les Essais du Seigneur de Montagne revus et amplifiés de cinq cents passages, avec l’augmentation d’un troisième livre, et sont faites très expresses défenses à tout imprimeur et libraire d’imprimer ledit livre jusques au temps et terme de neuf ans, sur peine de confiscation des livres qui se trouveront imprimés, et d’amende arbitraire […]

1592 : Édition de l’Exemplaire de Bordeaux par Marie de Gournay qu’il nomme sa « fille d’alliance » (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de lien de parenté entre eux mais qui lui reconnait une forme de filiation par l’affection et l’intérêt intellectuel qu’ils se portent) :

« J’ai pris plaisir à faire connaître à plusieurs endroits les espoirs que me donne Marie de Gournay le Jars, ‘ma fille d’alliance’, et assurément aimée de moi plus que paternellement et entourée d’affection, dans ma retraite et ma solitude, comme si elle était l’une des meilleures partie de mon être propre » (« De la présomption », II, 17)

C’est à elle que l’épouse de Montaigne envoie l’exemplaire annoté afin qu’elle le publie. C’est cette édition (revue et corrigée par des scientifiques modernes) que nous lisons.

Pour faire la différence entre ces trois états du texte, une convention veut que l’on mette en évidence chacune d’entre elles dans le texte. Ainsi, dans l’édition que nous lisons, le texte de la première édition est marquée avec un trait oblique ( / ), celui de la troisième édition avec deux traits obliques ( // ) et celui de l’édition de Bordeaux avec trois traits obliques ( /// ).

Cela n’a, en soi, pas d’incidence sur notre lecture du texte. En revanche, cela en a une pour comprendre que l’écriture de Montaigne, reflet de sa pensée, est en perpétuel mouvement et qu’il procède par approfondissements successifs. Ces approfondissements s’apparentent, parfois, à des digressions – changements apparents de sujet avant d’y revenir. On le voit par exemple dans des formules comme celle que nous avons rencontré au début « Des Cannibales » : « or je trouve, pour revenir à notre propos, que… » (l. 120).


Vous pouvez, si vous le souhaitez, compléter ces éléments en écoutant l’émission suivante :

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/montaigne-philosophe-15-montaigne-philosophe

Vie de Rabelais

Gravure de Michel Lasne représentant Rabelais en habit de médecin, 1620

La vie de François Rabelais est pleine d’incertitudes et de rebondissements.

Sa date de naissance, entre 1483 et 1494, est toujours sujette à discussions de même que le lieu de cet événement (probablement dans la campagne chinonaise peut-être dans une demeure familiale à La Devinière dans la paroisse de Seuilly – au sud-ouest de Tour en actuelle Indre-et-Loire). Son père était avocat au siège royal de Chinon, il appartenait donc à une forme bourgeoisie provinciale. On trouve dans Gargantua de nombreuses références à la Touraine (e.g. chapitre V « Oh larmes du Christ ! C’est de la Devinière, c’est du vin pineau » ; chapitre IV « ils convièrent pour ce faire [= manger les tripes des bœufs abattus pour Mardi-Gras] tous les citadins de Cinais, de Seuillé, de La Roche-Clermault, de Vaugaudry, sans oublier Le Coudray, Montpensier, le gué de Vède, et autre voisins, tous bons buveurs, bons compagnons, et tous bons joueurs de quille »).

Ouest de la France, encadré la Touraine où Rabelais est né et où se déroule une partie de l’action de Gargantua. Au sud, les villes de Fontenay-le-Comte et de Mailezais, lieux des deux premiers monastères fréquentés par Rabelais.
La Touraine. On trouve la ville de Chinon où officie le père de Rabelais, son domaine de Lerné et La Devinière (au centre) sur la commune de Seuilly.

La première date assurée que nous connaissions de sa vie est celle de son entrée au monastère franciscain de Fontenay-le-Comte, à proximité de Poitier, en 1521. Nous savons par ailleurs, grâce à une lettre qu’il a écrite cette même année à l’humaniste Guillaume Budé, qu’il était alors « adolescens », c’est-à-dire « jeune homme », soit âgé d’une vingtaine d’années (à moins que ce ne soit une formule d’humilité de sa part écrivant à une personne déjà considérée comme un maître de l’humanisme).

Pour la suite de sa carrière, nous avons de la main-même de Rabelais, une « supplique » qu’il a écrite au pape Paul III (1534-1549) afin d’être réintégré dans les privilèges (les « indults ») qui lui avaient été conférés par son engagement religieux mais aussi la reconnaissance de ses diplômes de médecine :

François Rabelais, prêtre du diocèse de Tours, pendant sa jeunesse entra en religion dans l’ordre des Frères mineurs, y fit profession et y reçut les ordres mineurs et majeurs , y compris le presbytérat, et en remplit de nombreuses fois les fonctions. Ensuite, un indult du pape Clément VII, votre prédécesseur immédiat, lui permit de passer dudit ordre des Frères mineurs à celui de Saint-Benoît dans l’église cathédrale de Maillezais, et il demeura dans cet ordre pendant plusieurs années. Par la suite, ayant quitté l’habit religieux, il partit pour Montpellier ; il y fit à la faculté de médecine des études et des leçons publiques pendant plusieurs années, il y prit tous ses grades, y compris celui de docteur, dans la susdite faculté de médecine, et il exerça son art, là et en de nombreux autres endroits, pendant de nombreuses années.

Finalement touché par le repentir, il vint au tombeau de Saint-Pierre à Rome, et de Votre Sainteté et du défunt pape Clément XIII, il obtint l’absolution de son apostasie et de son irrégularité, et la permission de revenir dans l’ordre susdit de Saint-Benoit, où il avait pu trouver des hommes disposés à l’accueillir […]

Les historiens ont permis de remettre des dates sur les éléments donnés par Rabelais, et de vérifier ses affirmations :

  • 1521 : entrée au monastère de de Fontenay-le Comte, dans l’ordre des Franciscains (Ordre des Frères Mineurs).
  • 1524 : il quitte l’ordre Franciscain parce que ses livres de grec lui ont été retirés parce que leur étude n’était pas conforme à la règle de Saint-François, ni aux instructions de la Sorbonne (l’université de théologie la plus importante de France à l’époque) ; en effet, à l’époque La Bible en usage et qui est la référence absolue est la Vulgate traduite du grec par Saint Jérôme, accéder aux versions antérieures du texte biblique, en grec ou en hébreux, c’est donner la possibilité de questionner le texte ce qui est inconcevable pour les théologiens de la Sorbonne. Le pape Clément VII l’autorise à rejoindre l’abbaye de Maillezais et l’ordre bénédictin dont la règle permet précisément l’étude. C’est à cet ordre qu’appartient Frère Jean des Entommeures, personnage haut en couleurs mais aussi caricature du moine médiéval (ch. 27, 39-45, 52)
  • 1530 : il s’inscrit à la faculté de médecine de Montpellier. Il y a fort à parier qu’avant cette arrivée à Montpellier, il ait passé quelques temps à Paris, comme en témoignent les 16 chapitres qui se déroulent dans cette ville dans Pantagruel (l’œuvre qui précède Gargantua) et les quelques épisodes de Gargantua (ch. 16-21). Il y obtient son premier titre universitaire, le baccalauréat.
  • 1531 : il se rend à Lyon pour y mener une carrière éditoriale et publie des traductions de textes savants antiques (notamment des médecins), des œuvres d’humanistes contemporains, mais aussi son premier roman, Pantagruel sous le pseudonyme d’Alconfrybas Naser.
Page de titre d’une des premières édition du Pantagruel de Rabelais. Le nom de l’auteur est noté, en rouge, au-dessus des vignettes.
  • 1532 : Il est nommé médecin à l’Hôtel Dieu de Lyon. Et poursuit ses activités éditoriales
  • 1533 : Il est reçu bachelier en médecine à la faculté de Médecine de Montpellier. Seconde édition de Pantagruel qui est censuré par la Sorbonne du fait, entre autres, de l’injonction faite à Pantagruel par son père Gargantua de poursuivre des études humanistes plutôt que celles affirmées par le canon sorbonique (étude scolastique pure). L’ensemble des romans de Rabelais sont du reste systématiquement censurés par la Sorbonne.
  • 1534 : Il entre au service de Jean du Bellay, évêque de Paris, et ambassadeur de François Ier, roi de France. Il est l’oncle du poète Joachim du Bellay (1522-1560). Rabelais devient son médecin personnel. Premier séjour à Rome. Jean du Bellay est un catholique modéré, c’est-à-dire que dans l’opposition entre les catholique et les protestants d’une part, et entre les catholiques eux-même d’autre part, il cherche la conciliation et refus les oppositions systématiques.
  • 1535 : Publication de Gargantua.
  • 1535-1536 : Deuxième séjour à Rome avec Jean du Bellay qui est créé cardinal à cette occasion. Il obtient l’autorisation papale (Paul III) de pratiquer la médecine mais avec interdiction d’employer le fer et le feu (la dissection est contraire à la religion) et obligation de gratuité.
  • 1537 : Il est reçu docteur en médecine.
  • 1539 : Il entre au service de Guillaume du Bellay, frère aîné de Jean du Bellay, qui est, depuis 1537 vice-roi de France pour le Piémont, région d’Italie nouvellement conquise et rattachée au royaume de France. Rabelais occupe, auprès de lui, les fonctions de médecin et de bibliothécaire. Il reste à son service jusqu’à sa mort en 1543.
  • 1546 : Publication du Tiers livre (la continuation de Pantagruel)
  • 1547-1549 : Troisième séjour à Rome aux côtés de Jean du Bellay
  • 1548 : Publication du Quart livre.
  • 1550 : Il accompagne le cardinal Jean du Bellay dans son château de Saint-Maur-des-Fossées (à l’est de Paris).
  • 1553 : Il meurt en région parisienne (Meudon ou Paris)
  • 1564 : Publication du Cinquiesme livre.

Ce que l’on peut/doit retenir de ces éléments parce que cela a une incidence sur l’écriture de Rabelais et le contenu de Gargantua :

  1. De son expérience de moine franciscain il retire un certain esprit de dérision et d’irrévérence dont on trouve de très nombreuses traces dans Gargantua (e.g. la harangue de Maître Janotus de Bragmardo au chapitre XIX). Mais il leur reproche aussi une vision trop étroite de la religion et du savoir, cette critique est aussi adressée aux professeurs en Sorbonne (ch. 18, 19, 21)
  2. De son expérience de moine bénédictin il retire un approfondissement de la connaissance des textes anciens et un développement humaniste plus important. Mais il reproche à la vie monacale son détachement du monde (ce qui est pourtant le principe-même de la vie de moine qui se retire volontairement et à fins contemplatives du monde) ainsi qu’une vie mécanique de la foi (ch. 27).
  3. En tant qu’humaniste il s’oppose frontalement aux thèses et positions de la Sorbonne. Il peut se le permettre aussi parce qu’il a su s’assurer la protections de puissants (la famille du Bellay en particulier, qui lui permet d’obtenir la permission du roi d’éditer ses livre nonobstant l’opposition sorbonique). Les thèses humanistes sont visibles, en particulier dans l’éducation donnée à Gargantua par Ponocratès (ch. 23-24), mais aussi, dès le prologue, par l’ancrage dans la littérature ancienne du roman.
  4. Son expérience et son expertise médicale se lit à travers les multiples références médicales et anatomiques que l’on trouve dans Gargantua : qu’il s’agisse de l’éducation dispensée par Ponocrate qui veille à rééquilibrer les humeurs de Gargantua afin de combattre son flegme naturel (ch. 23), de la description de l’accouchement de Gargamelle (ch. 6) ou encore des sévices reçus par les soldats de Picrochole lors du sac de l’abbaye de Seuillé sous les coups de Frère Jean (ch. 27).
  5. On lit son positionnement de médiateur dans l’ensemble des tentatives de médiation présentes dans le texte, qu’elles soient sincères comme l’ambassade d’Ulrich Gallet auprès de Picrochole (ch. 30) ou parodiques comme celle de Maître Janotus auprès de Gargantua pour récupérer les cloches de Paris (ch. 19).

Marivaux – Les fausses confidences (1737)

Portrait de Marivaux d’après Louis-Michel van Loo (seconde moitié du XVIIIe siècle – la date 1743 correspond à son élection à l’Académie Française)

Vie de Marivaux

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux est baptisé le 8 février 1688, sa date de naissance n’est pas connue mais les baptêmes ont alors lieu dans les jours qui suivent la naissance des enfants, il est donc probable qu’il soit né dans les premiers jours de février 1688. Il passe son enfance à Riom dans le Puy de Dôme où son père est directeur de la Monnaie (= contrôleur des finances) avant d’aller à Paris pour étudier le droit et prendre la suite de son père.

Il y rencontre deux hommes de lettres importants, Fontenelle et Houdard de La Motte, qui l’introduisent au salon de la Marquise de Lambert, salon dans lequel le jeune Marivaux brille et entame sa carrière littéraire sous l’influence de l’esprit des Modernes (cf. infra « Querelle des Anciens et des Modernes »). Ses premiers écrits sont surtout des romans dans lesquels se développent, comme dans son théâtre, une vision réaliste de la société ainsi qu’une subtile analyse psychologique des personnages. Son style est aussi déjà mondain voire précieux, mais il ne se prive pas de recourir à des tours plus familiers, voire à des néologismes.

Il est contraint de gagner sa vie de sa plume en 1720 suite à la banqueroute de Law (prononcé « Lass ») qui le laisse ruiné et au décès, en 1723, de son épouse, fille d’un riche avocat, qu’il a épousée en 1717 et dont il a une fille. Il rédige divers journaux (Le Spectateur français, L’Indigent philosophe, Le Cabinet du philosophe) et, surtout, des comédies, dont Le Jeu de l’amour et du hasard (en 1730), probablement la plus connue, et Les Fausses confidences (en 1737). Ses pièces sont le plus souvent jouées par les Comédiens Italiens qui sont alors sous la protection du Régent, Philippe duc d’Orléans, parce qu’il apprécie leur jeu plein de fantaisie et parce que leur répertoire est essentiellement constitué de pièces écrites par des « Modernes » (les auteurs « Anciens » étant, schématiquement, représentés par les Comédiens Français – actuelle Comédie Française).

Il compose deux « types » de comédies, les « comédies de l’amour » dans lesquelles il explore les surprises, les secrets et les masques du cœur humain, parfois pris au piège d’intérêt matériels et de préjugés (c’est là la base de l’intrigue des Fausses confidences) et les « comédies philosophiques » dans lesquelles il se livre, dans une cadre utopique, à une analyse de la société et de la psychologie des personnages tout en imaginant de nouvelles relations humaines.

En 1742 il est élu à l’Académie Française, il compose encore quelques pièces qui sont jouées par les Comédiens Français sans grand succès.

Il meurt le 12 février 1763 dans un quasi anonymat et sans fortune. Ses œuvres complètes sont publiées pour la première fois en 1781 et couvrent 12 volumes.

Contexte historique

Marivaux nait à la fin du règne de Louis XIV et meurt avant la fin de celui de Louis XV.

  • La fin du règne du Roi-Soleil (1685-1715)

La crise de l’Ancien Régime a commencé pendant le règne de Louis XIV dont les dernières années sont marquées par la menace constante de la famine, par les persécutions contre les jansénistes et les protestants (surtout après la révocation de l’édit de Nantes en 1685 qui avait été signé par Henri IV et accordait la liberté de culte aux protestants). De surcroît, de 1689 à 1697, puis de 1702 à 1713, la France est en guerre contre des coalitions européennes menées par l’Autriche puis l’Angleterre. Sont en jeu la prééminence en Europe, mais surtout la maîtrise des empires coloniaux et les profits de leur exploitation.

  • La Régence (1715-1722)

A la mort du roi se produit d’ailleurs une réaction aristocratique favorisée par la Régence de Philippe d’Orléans (1715-1723) : longtemps tenus à l’écart des responsabilités, les grands seigneurs reprennent leurs prérogatives et leur liberté (puisque Louis XIV avait décidé de régner sans ministres) dans une atmosphère de luxe et de plaisir dont les « fêtes galantes » du peintre Antoine Watteau offre la couleur.

Antoine Watteau, Fêtes vénitiennes, ca. 1717

Mais la vie fastueuse de la cour ne peut dissimuler les lézardes de l’édifice politique et social. Contesté par le Parlement, c’est-à-dire par la haute assemblée des magistrats de la noblesse de robe (noblesse acquise par l’achat de charges de justice, comme le père de Marivaux, par exemple), l’absolutisme doit s’imposer à nouveau dès 1718, en refusant toute contestation et tout partage du pouvoir.

Financièrement en déséquilibre, l’État cherche également une remise en ordre de sa trésorerie dans le système imaginé par le contrôleur général Law : fondé sur l’émission de papier-monnaie, l’opération conduit malheureusement en 1720 à une banqueroute catastrophique pour les milliers de particuliers qui ont fait confiance à l’État. C’est du fait de cette banqueroute que le personnage de Dorante se retrouve « déclassé » par rapport à Araminte ce qui l’empêche d’envisager son avenir avec elle :

Cette femme-ci a un rang dans le monde : elle est liée avec tout ce qu’il y a de mieux : veuve d’un mari qui avait une grande charge dans les finances ; et tu crois qu’elle fera quelque attention à moi, que je l’épouserai, moi qui ne suis rien, moi qui n’ai point de bien ? (I, 2)

  • Le règne de Louis XV (1723-1774)

Sous le long ministère de Fleury (1726-1743), le pays retrouve une paix et une prospérité relatives. La fin des grandes « mortalités » dues aux épidémies et aux famines engendre un essor démographique qui fait de la France le pays le plus peuplé d’Europe occidentale. Mais l’amélioration de l’agriculture, déterminante dans une civilisation encore essentiellement rurale, reste modeste et ne profite qu’aux riches propriétaires, les seuls qui ne soient pas écrasés par les impôts de plus en plus lourds perçus par l’État et par l’Église. Les « philosophes de la terre » proposaient comme réformes, dans les années 1750, la disparition des contraintes de la féodalité et la liberté des échanges commerciaux de province à province. L’application partielle de leurs théories est finalement un échec, car les grands propriétaires terriens refusent de voir mis en question leurs droits seigneuriaux.

L’État monarchique doit mener une double lutte : contre les ambitions d’une aristocratie défendue par le Parlement et contre toutes les dissidences religieuses et intellectuelles (persécution contre les protestants et les philosophes trop audacieux). La politique de prestige menée par le roi (construction de l’opéra de Versailles et de la place Louis XV (actuelle place de la Concorde, à Paris) ne peut empêcher le discrédit dans le quel tombe le régime qui accumule les revers militaires et diplomatiques : le traité de Paris de 1763 assure le triomphe de l’Angleterre en Amérique et en Inde.

La querelle des Anciens et des Modernes

  • Une vieille opposition

Ce que l’on appelle la querelle des Anciens et des Modernes ne fait que reprendre, en la radicalisant, une vieille opposition entre deux conceptions de la littérature et, plus généralement, de création. Les uns, tournés vers le passé, croient qu’il convient d’imiter les prédécesseurs, parce qu’ils ont atteint la perfection dans leur art : ce sont les partisans des Anciens. Les autres, fixés sur le présent, pensent qu’il faut, au contraire, innover, trouver des solutions qui correspondent à l’esprit de l’époque : ce sont les Modernes. Entre les deux camps, les conciliateurs essaient d’harmoniser les positions : pour eux, s’il fait tenir compte des apports précédents, il faut aussi les adapter aux situations nouvelles, les utiliser comme un tremplin qui permet de progresser.

Durant la première moitié du XVIIe siècle, ces trois conceptions apparaissent déjà, par exemple dans le domaine théâtral : les adeptes du théâtre régulier entendent appliquer les préceptes des auteurs dramatiques de l’Antiquité et suive les préceptes notés par Aristote dans La Poétique, d’autres préfèrent un théâtre irrégulier porteur d’innovations, tandis que les partisans de solutions moyennes les renvoient dos à dos, en préconisant un système théâtral à la fois inspiré des Anciens et influencé par le présent.

  • Les camps en présence

Qu’a donc alors de particulier cette querelle des Anciens et des Modernes ? D’abord, son nom même : il montre que naît une conscience vive de l’existence d’une opposition de deux voies possibles. Ensuite, son intensité : il s’agit d’une querelle aiguë, à laquelle participent la plupart des écrivains durant deux siècles (XVIIe et XVIIIe). Enfin, sa signification : elle indique que le classicisme est ébranlé, que de nouvelles solutions commencent à être recherchées.

C’est une véritable bataille qui s’engage. Les péripéties y sont nombreuses. Chaque camp essaie de marquer des points, tandis que des esprits plus modérés tentent une conciliation difficile. Du côté des Anciens, La Fontaine, Boileau et La Bruyère sont parmi les plus ardents à exprimer leurs positions. Du côté des Modernes, Thomas Corneille (le frère de Pierre Corneille, l’auteur du Cid et de L’Illusion comique) et surtout Charles Perrault au XVIIe siècle et Marivaux au XVIIIe apparaissent comme les militants les plus actifs. Enfin, dans ce combat, Saint-Evremond, Fénelon et Fontenelle se posent en médiateurs.

  • Le progrès existe-t-il en art ?

Les Anciens et les Modernes s’opposent essentiellement sur la notion de progrès dans le domaine artistique. Pour les premiers, comme La Bruyère, le progrès en art n’existe pas, la perfection a été atteinte une fois pour toute par les Anciens qui ont tout découvert, tout inventé : « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, les plus beaux et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les Anciens et les habiles d’entre les Modernes » (Les Caractères, I, 1). Pour les seconds, comme Perrault, il reste au contraire beaucoup à trouver, beaucoup à améliorer, ce qui donne aux Modernes une supériorité de fait sur leurs prédécesseurs : « […] tous les arts ont été portés dans notre siècle à un plus haute degré de perfection que celui où ils étaient parmi les Anciens, parce que le temps à découvert plusieurs secrets dans tous les arts qui, joints à ceux que les Anciens nous ont laissés, les ont rendus plus accomplis […] » (Parallèles des Anciens et des Modernes).

Cette opposition centrale entraîne tout naturellement d’autres oppositions : imiter les Anciens, c’est se référer à des modèles immuables ; innover c’est, au contraire, chercher des solutions meilleures. Suivre les exemples des prédécesseurs, c’est se rallier à des pratiques cautionnées par le temps et donc à l’abri des modes ; s’engager sur une voie nouvelle, c’est tenir compte de l’évolution historique, des leçons des événements.

  • Et au XVIIIe siècle ?

En 1694, Boileau et Perrault se réconcilient publiquement et la querelle semble être terminée. Mais elle reprend de plus belle en 1713 (deux ans après le décès de Boileau) lorsque le poète Houdard de La Motte (qui ignorait le grec) pense pouvoir corriger les « fautes » d’Homère tandis que Mme Dacier, savante helléniste, s’insurge contre ce sacrilège. Marivaux embrasse le parti des Modernes et défend avec force son ami Houdard de La Motte en écrivant, notamment, une Iliade travestie en vers burlesques en 1717. Fénelon tente, une fois de plus, d’apaiser les esprits en composant la Lettre à l’Académie dans laquelle il admire la simplicité des Anciens, la voit à l’œuvre dans l’imitation de la « belle nature », tout en ménageant les Modernes par le choix de la prose poétique. Vers 1750, l’ensemble des problématiques de la querelle n’est pas encore dépassé, mais le débat a nourri l’émergence du mot et de l’idée de « littérature », avec un statut d’écrivain rendu plus digne par le lien de ses œuvres avec l’opinion publique. L’esprit de création s’est opposé à la seule autorité sur les plans religieux, politique et sociologique et a fait bouger le siècle, par les « belles lettres ».

L’œuvre

La pièce Les fausses confidences est représentée pour la première fois en 1737 mais c’est un échec et la pièce ne trouve son public, et le succès, que l’année suivante en 1738.

Il s’agit d’une comédie, c’est-à-dire qu’elle met en scène des personnages issus de ce que l’on nomme, au XVIIIe siècle, le Tiers-État, bourgeois, serviteurs, et un membre de la noblesse, le Comte Dorimont. Autre caractéristique de la comédie, la fin est heureuse, c’est-à-dire que les personnages principaux parviennent à leurs fins, ici le mariage entre Dorante et Araminte au détriment de ce que souhaite Madame Argante, la mère d’Araminte, le mariage de sa fille avec le Comte.

  • Les thèmes

On trouve dans cette pièce l’ensemble des thèmes de la comédie et ceux chers à Marivaux.

La relation maître-valet. C’est un topos (lieu-commun) de la comédie qui repose sur la relation que le maître et son valet entretiennent. Cette relation tend à l’entraide, le valet aidant son maître à réaliser ses souhaits (notamment amoureux), mais elle peut aussi être conflictuelle et placée sous le signe de la soumission.

Ici, la relation entre Dorante (le maître) et Dubois (son ancien valet à présent au service de Madame Argant) est singulière en ce sens que Dubois quoique n’étant plus officiellement au service de Dorante (il ne peut plus le payer), continue de servir son intérêt en jouant un rôle d’entremetteur entre lui et Araminte au détriment de sa maîtresse légitime, Madame Argante. Cette position donne à Dubois un statut de quasi-égal à son ancien maître ce qui lui autorise une certaine liberté de parole envers lui.

Deux autres couples maître-valet apparaissent aussi dans la pièce Araminte/Arlequin et Araminte/Marton mais ces couples ont peu d’importance. Ce qui compte c’est le rôle qu’Arlequin et Marton jouent dans l’intrigue. Arlequin est un personnage traditionnel de la Commœdia dell’Arte italienne, il est habituellement le modèle du serviteur ridicule, un peu grossier quoique rusé. Ici, il n’a pas ce rôle mais sert à dénoncer certaines règles et certains usages sociaux sans qu’il en ait vraiment conscience (e.g. le début de I, 8). Marton, elle, est un « instrument » aux mains de Dubois, il l’utilise dans le cadre d’un trio amoureux, pour rendre Araminte jalouse de l’amour que lui porterait Dorante.

L’amour. C’est le thème de prédilection de Marivaux. Il le soumet à toutes sortes de forces souvent contraires pour voir la façon dont l’homme parvient à ses fins. Ici, il s’agit de voir si l’amour peut triompher de l’argent et de la jalousie. Il met donc en place deux triangles amoureux. Cette forme triangulaire donne du rythme à la pièce par la multiplicité de combinaisons possibles.

Araminte/Dorante/Marton : Dubois met Araminte et Marton en concurrence pour l’amour de Dorante ce qui crée des quiproquos entre elles et nourrit les péripéties. Mais la concurrence n’est pas réelle puisque Dorante ne se livre qu’à des badinages (c’est ce qu’on appelle le « marivaudage« ) avec Marton dans le seul objectif de rendre Araminte jalouse et pouvoir lui avouer son amour.

Dorante/Araminte/Le Comte : C’est là qu’est le véritable enjeu de la pièce, Araminte doit choisir entre un amour sans fortune ou la fortune sans amour. Là se pose le problème du « déclassement » conséquent de la banqueroute de Law (1720). Dorante est un jeune homme qui a perdu sa richesse et a dû renoncer à un certain bien-être (il a libéré Dubois de son service parce qu’il ne pouvait plus le payer). Araminte est une jeune veuve riche, objet de toutes les convoitises. Le Comte a pour lui un titre (il appartient à la noblesse) ce que convoite Madame Argante et qu’elle peut obtenir en mariant sa fille au Comte (e.g. I, 10), la fortune d’Araminte faisant office de dot. La question qui se pose donc à Araminte est donc celle d’assumer le choix de ce qui la rendra heureuse : épouser Dorante nonobstant sa pauvreté, contre le confort matériel et social que lui offrirait l’union avec le Comte.

Dubois/Dorante/Araminte : Ce n’est pas, à proprement parler, un triangle amoureux (quoi que certaines répliques de Dubois puissent laisser penser que ce dernier éprouve des sentiments amoureux envers son ancien maître (e.g. I, 2). Ce trio est au cœur de l’intrigue, dès qu’ils sont deux à deux, les personnages se font des confidences parfois contradictoires (d’où le titre de la pièce) : Dorante et Dubois veulent qu’Araminte tombe amoureuse de Dorante et complotent en ce sens ; Dubois fait des confidences à Araminte et Dorante se déclare à elle sans en informer Dubois.

Le travestissement.

Les pièces de Marivaux font la part belle au travestissement. Il y en a peu dans cette pièce, mais le personnage de Dorante, avec l’aide de son oncle M. Rémy et de Dubois, se fait passer pour qui il n’est pas : un intendant en quête d’une place à occuper et d’un domaine à gérer. Le travestissement est le moyen du quiproquo : Marton, parce qu’elle n’imagine pas Dorante être autre chose que ce qu’il prétend envisage une relation avec lui tandis qu’Araminte, pour la même raison repousse ses avances jusqu’à l’aveu final (III, 12).

  • La structure de la pièce

Cette œuvre a une structure somme toute « classique », en trois actes qui correspondent à trois moments de l’intrigue : la mise en place du stratagème (Acte I), le jeu des fausses confidences (Acte II) et la marche vers le dénouement qui passe par la résolution des confusions, la double scène d’aveu (III, 12) et le dénouement attendu avec l’annonce du mariage d’Araminte avec Dorante (Acte III).

Chaque acte est composé d’un certain nombre de scènes qui sont la marque d’entrées et de sorties de personnage. Leur grand nombre (17 scènes pour l’acte I, 15 pour l’acte II et 13 pour l’acte III) montre le dynamisme de cette pièce dans laquelle les personnages sont perpétuellement en mouvement et où l’intrigue avance tambours battant.

Marivaux sacrifie à un certain nombre de règles du théâtre classique, mais prend aussi des libertés. Ainsi le lieu est unique (« La scène est chez madame Argante » indique la didascalie initiale), l’action semble se dérouler en un seul jour (ou du moins la durée n’est pas une question très prégnante dans la pièce, le seul enjeu « temporel » pourrait être le problème du procès que le Comte voudrait intenter à Araminte). La règle de bienséance est aussi respectée, aucun geste « déplacé » n’a lieu sur scène (et il n’y a évidemment aucun mort dans cette pièce), de même que la vraisemblance. La seule règle que l’on puisse considérer comme enfreinte est celle de l’unité d’action, mais c’est précisément l’objet de la pièce que de semer la confusion et le doute, par le jeu des fausses confidences. Cependant, il n’y a bien qu’un seul enjeu dans la pièce : faire que Dorante parvienne à épouser Araminte, mais cet enjeu est enveloppé dans des éléments connexes nombreux (souhait de Madame Argante d’accéder à la noblesse, procès envisagé du Comte, souhait du Compte d’épouser Araminte).

Sources :

  • R. Horville, Itinéraires Littéraires – XVIIe siècle, Paris, 1988
  • H. Sabbah, M.-C. Carlier, C. Eterstein, D. Giovacchini, A. Lesot, Itinéraires Littéraires – XVIIIe siècle, Paris, 1989
  • J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières (1715-1789), Paris, 1995
  • M. Sonnet, Th. Charmasson, A.-M. Lelorrain, Chronologie de l’histoire de France, Paris, 1994
  • R. Pomeau, J. Ehrard, Histoire de la littérature française – De Fénelon à Voltaire, Paris, 1998
  • Gallica-BNF, « Les Essentiels littérature »
  • Marivaux, Les Fausses confidences, dossier par A. Trahand, Paris, 2020
  • Marivaux, Les Fausses confidences, dossier par H. Curial, Paris, 2020

Liste des œuvres à l’étude durant l’année 2022-2023 en classe de 1ère2

Les études de Littérature en classe de 1ère sont organisées autour de quatre objets d’étude :

  • La poésie
  • Les textes argumentatifs
  • Le roman
  • Le théâtre

Chacun de ces objets d’étude est composé de l’étude d’une œuvre intégrale (dont trois extraits seront présentés à l’oral du bac en fin d’année) et un parcours associé (dont deux textes feront aussi l’objet d’une présentation à l’oral).

Chaque séquence est assortie d’une lecture cursive, obligatoire. J’ai essayé, autant que faire se pouvait, de sélectionner des œuvres d’artistes/auteurs contemporains afin de vous montrer 1) que la littérature est toujours un art vivant et 2) qu’il existe de très belles pièces actuelles qui s’inscrivent dans la continuité des belles œuvres patrimoniales inscrites au programme.

Voici les œuvres intégrales et parcours choisis pour cette année :

  1. Poésie
  • Œuvre intégrale : Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (édition indifférente mais intégrale qui comporte la section « Tableaux parisiens »)
  • Parcours associé : « Alchimie poétique – La boue et l’or »
  • Lecture cursive : Pierre Lapointe, Les Sentiments humains (2009). Cet album est disponible, entre autres, sur Youtube. Vous trouverez aisément les paroles des chansons de l’album sur internet aussi (ici, par exemple), mais dans un premier temps, prenez le temps et le plaisir de simplement écouter (attentivement) ces chansons et les textes.
  1. Théâtre
    • Œuvre intégrale : Marivaux, Les Fausses confidences (œuvre intégrale, édition indifférente)
    • Parcours associé : « Théâtre et stratagème »
    • Lecture cursive : Shakespeare, Hamlet (en traduction française bien sûr !)
  2. Argumentation
  • Œuvre intégrale : Rabelais, Gargantua (édition recommandée : Belin – Gallimard [ISBN. 979-1035807214] – de sorte que nous ayons tous la même translation du texte)
  • Parcours associé : « Rire et savoir »
  • Lecture cursive (au choix des élèves) :
    • Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1726)
    • Voltaire, Micromégas (1752)
    • Romain Puertolas, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA (2013)

Roman

  • Œuvre intégrale : Abbé Prévost, Manon Lescaut
  • Parcours associé : « Personnages en marge, plaisir romanesque »
  • Lecture cursive (au choix des élèves) :
    • Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses (1796)
    • Jan Carson, Les Lanceurs de feu (2008)
    • Jeannette Winterson, FranKISSstein – Une histoire d’amour (2019)


En complément de ces études textuelles s’ajoute la poursuite de l’étude grammaticale entreprise en collège et en classe de 2nde avec en particulier l’étude de :

  • l’interrogation : syntaxe, sémantique et pragmatique
  • l’expression de la négation
  • les subordonnées conjonctives utilisées en fonction de complément circonstanciels
  • toute autre notion dont nous pourrons avoir besoin pour l’analyse fine et la compréhension des textes étudiés en classe.

NB1. Lors de l’épreuve, vous pourrez être interrogés sur les éléments des programmes de 2nde et de 1ère.

NB2. Vous trouverez, en suivant le lien suivant, l’ensemble des textes sur lesquels nous avons travaillé cette année et sur lesquels vous pourrez être interrogés lors de la première partie de l’épreuve : https://nuage03.apps.education.fr/index.php/s/beG7k8c24wY2Dpq

La négation

La phrase négative se caractérise par la présence d’adverbes de négation (ne… pas, ne… jamais, ne… plus, etc.).

La phrase négative, comme son nom l’indique, nie la réalité de l’énoncé :

Ex.

  • Il pleut > il ne pleut pas
  • Elle viendra à la piscine > elle ne viendra pas à la piscine

Attention, nier un énoncé ne signifie pas nier une vérité :

Ex.

  • La terre est ronde > la terre n’est pas ronde : énoncé nié faux.
  • Londres est la capitale de la France > Londres n’est pas la capitale de la France : énoncé nié vrai.

On peut distinguer trois types de négations : la négation totale, la négation partielle et la négation restrictive (ou « exceptive »).

La négation totale

Elle porte sur l’ensemble de l’énoncé et se construit avec les adverbes « ne… pas », « ne… nullement », « ne… aucunement », « ne… point » (vieux ou régional).

Attention, les deux parties de la négation sont obligatoires dans le langage écrit et soigné : oublier l’adverbe « ne » est considéré comme une erreur et, à ce titre, est pénalisé lors des examens. Par ailleurs, l’adverbe « ne », parce qu’il se termine par un « -e » s’élide obligatoirement en « n' » devant un mot commençant par une voyelle ou un « h muet ».

Ex.

  • Argus ne dort pas
  • Elle n’a pas/aucunement/nullement besoin de vos conseils.
  • Il n’habite pas en Australie.

La négation partielle

La négation porte sur un des éléments de l’énoncé et non pas sur l’ensemble.

La négation porte sur un pronom (= elle remplace un nom ou GN)

  • Quelqu’un l’a écouté / Certains l’ont écouté / Tous l’ont écouté > personne ne l’a écouté
  • Quelque chose changera > rien ne changera
  • Certains sont censés ignorer la loi > nul n’est censé ignorer la loi

La négation porte sur un déterminant (= elle précède un nom ou GN)

  • Certains détails lui échappent / Quelques détails lui échappent / Tous les détails lui échappent > Aucun détail ne lui échappe / Nul détail ne lui échappe

La négation porte sur un adverbe

  • adverbe d’intensité : Elle travaille beaucoup > Elle ne travaille guère
  • adverbe de temps : Elle travaille toujours > Elle ne travaille jamais
  • adverbe de continuité temporelle : Elle travaille encore > Elle ne travaille plus
  • adverbe de lieu : Partout le bonheur m’attend > « Nulle part le bonheur ne m’attend » (Lamartine)

La négation restrictive (ou exceptive)

C’est une négation implicite qui se construit avec les adverbes « ne… que » : la négation « ne » nie un fait et l’adverbe « que » introduit une exception. On peut remplacer cette négation par « sauf » ou « seulement » :

Ex. Je n’aime que les films français » signifie deux choses :

  • J’aime les films français
  • Je n’aime pas les films qui ne sont pas français, j’aime seulement les films français

L’interrogation

La phrase interrogative, ou interrogation, est un type de phrase (avec la phrase déclarative et la phrase injonctive). Elle permet de poser une question ou demander une interrogation.

Deux types de phrases interrogatives sont à distinguer :

  • L’interrogation totale
  • L’interrogation partielle

L’interrogation peut prendre deux formes différentes :

  • Interrogation directe
  • Interrogation indirecte

Les types d’interrogation

L’interrogation totale

On dit qu’une interrogation est totale lorsqu’elle porte sur l’ensemble de la phrase et dont la réponse qu’elle appelle est « oui » ou « non ».

Ex.

  • Vas-tu à la plage ?
  • Est-ce que tu vas à la plage ?

L’interrogation partielle

On dit qu’une interrogation est partielle lorsqu’elle porte sur une partie de la phrase

Ex.

  • Qui va à la plage ? = la question porte sur le sujet du verbe
  • Qui est ce personnage ? = la question porte sur l’attribut du sujet du verbe
  • Quel parfum préfères-tu ? = la question porte sur le COD du verbe « préférer »
  • À qui parles-tu ? = la question porte sur le COI du verbe « parler »
  • Comment/Quand/Avec qui iras-tu à la plage ? = la question porte sur le CC (manière/temps/accompagnement) de la proposition

Les formes de l’interrogation

L’interrogation directe

Lorsque l’on reporte à l’écrit directement les questions et demandes telles qu’elles ont été formulée à l’oral, on parle d’interrogation directe (dans le discours direct). C’est la façon dont sont présentés les dialogues dans les récits ou les pièces de théâtre.

La phrase interrogative directe se reconnaît grâce à trois caractéristiques indispensables sous peine de composer un énoncé grammaticalement incorrect :

  • L’inversion du sujet ou la présence, dans l’interrogative totale, de la locution interrogative « est-ce que » (la présence de cette locution empêche l’inversion du sujet puisqu’elle comporte, elle-même cette inversion : « c’est » > « est-ce »)
  • Dans l’interrogative partielle, l’utilisation d’un mot interrogatif (pronom ou adverbe)
  • L’utilisation d’une intonation interrogative montante, matérialisée graphiquement, par la présence du point d’interrogation

L’interrogation indirecte

Lorsque l’on retranscrit indirectement à l’écrit les questions et demandes en les formulant après un verbe de demande (ex. « se demander ») ou questionnement (ex. « chercher à savoir »), on parle d’interrogation indirecte (dans le discours indirect).

La phrase interrogative indirecte possède quatre caractéristiques indispensables sous peine de composer un énoncé grammaticalement incorrect :

  • La présence d’un verbe introducteur exprimant une demande ou une question
  • L’absence d’inversion du sujet (puisqu’il s’agit en fait d’une phrase déclarative)
  • La présence d’un mot interrogatif (pronom ou adverbe)
  • La présence d’un point seul en fin de phrase (le point d’interrogation est impossible puisqu’il s’agit, une fois de plus, d’une phrase déclarative).

Ex.

Interrogation directeInterrogation indirecte
– Vas-tu à la plage ?
– Est-ce que tu vas à la plage ?
Je demande si tu vas à la plage.
Qui va à la plage ?Je demande qui va à la plage.
Qui est ce personnage ?Je cherche à savoir qui est ce personnage.
Quel parfum préfères-tu ?Je demande quel parfum tu préfères.
À qui parles-tu ?Je te demande à qui tu parles.
Comment/Quand/Avec qui iras-tu à la plage ?Je te demande comment/quand/avec qui tu iras à la plage.

La difficulté avec les interrogatives est multiple :

  1. Il faut être capable d’identifier s’il s’agit d’une interrogation totale ou partielle. Est-ce que la réponse à la question est « oui/non » ? Si oui, c’est une interrogation totale, si non, c’est une interrogation partielle.
  2. Il faut être capable de transformer une interrogation directe (avec inversion du sujet et point d’interrogation) en une interrogation indirecte (sans inversion du sujet, ni point d’interrogation). Cette transformation intervient à deux moments lors des épreuves de français du baccalauréat :
    • Lors de l’exposé de la problématique dans l’introduction de vos analyses écrites ou orale
    • Lors de la question de grammaire à l’oral, lorsque l’examinateur pourra vous demander de transformer une interrogative directe en interrogative indirecte et d’expliquer et justifier les transformations que vous avez effectuées.

Les types et les formes de phrase

Il existe en français trois types de phrase :

  • La phrase déclarative
  • La phrase interrogative (cf. article spécifique)
  • La phrase injonctive (ou impérative)

À côté de ces types on trouve des formes de phrases qui permettent de mettre en relief tel ou tel aspect de la phrase, les principales sont :


Les types de phrase

La phrase déclarative

C’est la phrase telle qu’elle est majoritairement exprimée. Elle permet d’exprimer un fait, une pensée.

Elle s’exprime traditionnellement sous la forme : Sujet + verbe + éventuels compléments

Ex.

  • Aujourd’hui Alice va à la plage
  • Je pars travailler à l’étranger durant trois ans.

La phrase interrogative

Ce type de phrase permet de poser une question ou de formuler une demande (voir l’article spécifique sur ce type de phrase).

La phrase injonctive (ou impérative)

Ce type de phrase permet de donner un ordre, de formuler une injonction.

Cet ordre peut s’exprimer de deux façons : à l’impératif ou au subjonctif.

A l’impératif présent, le pronoms personnel sujet n’est jamais exprimé et les verbes ne possèdent que trois personnes (P1, P2, P3) qui correspondent à un ordre donné à une seule personne, à plusieurs personnes dont le locuteur, à plusieurs personnes sauf le locuteur :

Ex.

  • Mange ta soupe / Sors d’ici = ordre à une seule personne
  • Mangeons notre soupe / Sortons d’ici = ordre à plusieurs personnes dont le locuteur
  • Mangez votre soupe / Sortez d’ici = ordre à plusieurs personnes sauf le locuteur

Remarque sur la conjugaison de l’impératif présent des verbes du premier groupe et « aller » :

Même si la P1 de l’impératif donne un ordre à une personne unique (équivalent d’une P2 de l’indicatif présent), le verbe se termine par un -e seul, sans -s final : « mange », « chante », « parle », « va ».

En revanche, si cette forme est suivie des pronoms adverbiaux « en » ou « y », on ajoute un -s à la fin du verbe pour faire la liaison et éviter le hiatus : « manges-en », « vas-y ».

Au subjonctif présent, à P3 et P6 (troisième personne du singulier et du pluriel) :

Ex.

  • Qu’il/elle/on sorte.
  • Qu’ils/elles sortent.

L’ordre négatif (aussi appelé « défense ») s’exprime aussi à l’impératif présent ou au subjonctif présent avec l’ajout des adverbes de négation « ne… pas ». On le trouve aussi, plus rarement, à l’infinitif présent accompagné de la négation « ne… pas ».

Ex.

  • Ne mange pas ces champignons
  • Ne pas se pencher à la fenêtre = ne te penche pas à la fenêtre

Les formes de phrase

La forme négative

Chacun des trois types de phrase précédent peut être exprimé à la forme négative (voir article spécifique) par l’ajout d’adverbes de négation.

La forme exclamative

Cette forme de phrase se reconnaît, à l’écrit, à la présence, en fin d’énoncé d’un point d’exclamation et, à l’oral, d’une intonation spécifique.

L’ensemble des types de phrase peut se trouver à la forme exclamative, mais attention, il est rare de trouver simultanément un point d’interrogation suivi d’un point d’exclamation (sauf en BD essentiellement)

La forme exclamative permet de montrer l’émotion ou les sentiments du locuteur :

Ex.

  • J’ai mal dormi la nuit dernière ! = phrase déclarative exclamative
  • Vas-tu cesser de faire du bruit ! = phrase interrogative exclamative
  • Range ta chambre ! = phrase impérative exclamative

La forme passive

Dans la phrase déclarative canonique, le sujet du verbe et le verbe sont les éléments les plus importants d’un énoncé et se trouvent en tête de phrase. Il est parfois possible de mettre en lumière le COD du verbe en modifiant la structure de la phrase.

Lorsque le sujet du verbe est celui qui fait l’action portée sur le COD, on dit que la phrase est à la voix active (le sujet fait l’action)

Ex. Le chat mange la sourisTitus aime Bérénice

Lorsque l’on inverse les termes et que le sujet du verbe « reçoit » l’action, on dit que la phrase est à la voix passive (le sujet subit l’action). Le groupe prépositionnel (= introduit par une préposition) qui exprime qui fait l’action s’appelle « complément d’agent » parce qu’il indique qui agit. Le verbe, lui, change aussi de forme est se trouve conjugué à la voix passive (obligatoirement avec l’auxiliaire « être »).

Ex. La souris est mangée par le chatBérénice est aimée par Titus

Attention : seuls les verbes admettant un COD peuvent être employés à la voix passive, puisque c’est ce COD qui devient, dans la transformation, sujet du verbe passif.